Responsabilité sociale des entreprises | Page 5

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RSE et droit : un couple devenu inséparable

Réflexion intéressante proposée sur The Conversation consacrée à la RSE et au droit : « Les nouvelles règles du jeu de la responsabilité sociale des entreprises » (26 février 2017). Les auteurs reviennent à cette occasion sur l’intégration des préoccupation de RSE dans le droit.

 

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) connaît un succès manifeste depuis plusieurs années, donnant lieu à une production normative particulièrement prolifique, inventive et dynamique : codes de conduite, chartes éthiques, mécanismes de « lanceurs d’alerte », procédures de contrôle inspirées de la compliance, dispositifs de surveillance, d’évaluation et de labellisation par des agences de notation et, plus récemment, indicateurs de performance et mécanismes intelligents dits de SMARTLaw. Pendant longtemps, les juristes ont ignoré ces normes qu’ils considéraient comme étrangères au droit. N’émanant pas des institutions officielles de production du droit, ces dispositifs normatifs de la RSE ne seraient en effet pas « bien-nés » et ne pourraient dès lors être considérés comme des normes juridiques en tant que telles. La tendance semble toutefois commencer à s’inverser.

 

Conclusion des auteurs :

 

En conséquence, la RSE, bien qu’atypique au regard des standards juridiques classiques, constitue un puissant système normatif en ce qu’il relève d’une dynamique mondiale, tirée par des acteurs privés et publics, visant à conduire les entreprises à adopter des standards internationaux (droits de l’homme, anticorruption, droits sociaux).

Ceci justifie l’intérêt des managers et des conseils d’administration à intégrer des juristes dans la conception et la mise en place des politiques RSE au sein des entreprises nationales et transnationales.

 

Sans tout révolutionner, cet article souligne ce que nous affirmons depuis de nombreuses années maintenant : les entreprises doivent se préoccuper de la RSE d’autant plus que le droit l’intègre de plus en plus dans son propre corpus. Pour une étude récente sur la situation canadienne, je vous renvoie à mon dernier article intitulé « Entreprises et responsabilité sociale : évolution ou révolution du droit canadien des affaires ? » paru dans Les Cahiers de droit (Volume 57, numéro 4, décembre 2016, p. 635-683).

 

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) gagne du terrain au Canada, comme le démontre le sujet des entreprises multinationales, notamment celles qui travaillent dans le domaine extractif. Le Canada a adopté en novembre 2014 une nouvelle stratégie de promotion de la responsabilité sociale des entreprises pour les sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger. Si le cadre législatif se montre à l’heure actuelle peu contraignant, il n’en demeure pas moins qu’il a connu quelques réformes récentes cherchant, au bout du compte, à donner à la RSE une place plus importante dans la sphère économique. Dans le même sens, la jurisprudence canadienne semble également faire bouger ses pions sur l’échiquier en tentant d’imposer aux sociétés mères une responsabilité plus grande, tout en facilitant l’accès des victimes aux recours judiciaires. Au final, le droit canadien des affaires est dans un continuum réglementaire caractérisé par une série d’évolutions (d’une force normative variable) qui renforcent la responsabilité de ces dernières.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Responsabilité des entreprises à l’international

Les affiches parisiennes publient une intéressante synthèse d’Un colloque qui a eu lieu à Paris intitulé : « Vers une responsabilité des entreprises à l’international ? ». Une occasion de revenir sur un thème hot de ces derniers temps…

 

Les accords internationaux de libre-échange n’imposent que très peu d’obligations aux entreprises sur les droits de l’Homme. Cette asymétrie du statut juridique des sociétés dans le monde a été vivement discutée par le Centre de droit civil des affaires du contentieux économique (Cedcace) et le Centre d’études juridiques européennes et comparées (Cejec) de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, lors d’un colloque intitulé « Indépendance juridique de la personne morale versus dépendance économique ».

 

Pour rappel, j’ai publié avec 2 étudiantes brillantes (Valérie et Romy se reconnaitront) un article paru récemment dans Les Cahiers de droit : « Entreprises et responsabilité sociale : évolution ou révolution du droit canadien des affaires ? » (2016, Volume 57, numéro 4). De même, vous trouverez un modeste partage de réflexion dans le cadre de 2 billets de blogue publiés sur Contact (revenant sur des évolutions récentes du paysage juridique canadien) : « Devoir de vigilance: faut-il emboîter le pas? » et « Les droits de l’homme et les entreprises ».

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Devoir de vigilance des multinationales : le Sénat résiste !

Je viens d’apprendre dans Les Échos.fr une triste nouvelle : la consécration du devoir de vigilance se trouve à nouveau reporté ! Dans « Devoir de vigilance des multinationales, le Sénat fait de la résistance », M. Hervé Guyader précise que 4 critiques ont été émises par le Sénat.

 

Le Sénat adopte une exception d’irrecevabilité à l’encontre du projet de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, l’estimant inconstitutionnel. Le 1er février dernier, le Sénat a adopté une exception d’irrecevabilité. C’est l’article 44 alinéa 2 du règlement du Sénat qui prévoit cette exception dont l’objet est de faire reconnaître que le texte en discussion est contraire à une disposition constitutionnelle. Le Sénat estime ainsi que ce projet de loi comporte des dispositions contraires à la constitution. Et elles sont nombreuses :
Bonne lecture de la suite !

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Un Canada papers en marche ?

Qu’apprend-t-on sur RDI Économie du 25 janvier 2017 ? Rien de moins que le Canada pourrait être un authentique paradis fiscal ! Dans « Une adresse fantôme au Québec pour faire voyager des millions de dollars », vous trouverez un beau résumé du reportage de Radio Canada, ainsi qu’une capsule-vidéo de quelques minutes résumant clairement la problématique.

 

Plus de 200 millions de dollars ont circulé par l’entremise de sociétés ayant une adresse postale à Québec. Comme certains paradis fiscaux, notre pays est une destination de choix pour les étrangers qui veulent créer des sociétés-écrans, a découvert Radio-Canada. Après les Panama Papers, voici les Canada Papers.

(…) L’opacité des registres des entreprises au pays est aussi mise en valeur par tous ces vendeurs de compagnies canadiennes. Ils font valoir le « haut niveau de confidentialité » canadien.

Seul le Québec dispose d’un registre en ligne qui permet de voir le nom des actionnaires gratuitement.

Ailleurs au pays, il faut souvent payer pour obtenir des informations. En Ontario, même en payant les frais demandés, il est impossible de savoir qui est le propriétaire d’une société. Seuls les noms des administrateurs sont disponibles.

Impossible non plus de connaître l’identité des bénéficiaires ultimes, c’est-à-dire le vrai propriétaire des compagnies qui serviraient de société-écran au Canada.

Certaines sociétés peuvent même utiliser des prête-noms, ce qui est tout à fait légal au Québec, par exemple.

Le manque de transparence est une lacune souvent reprochée à plusieurs pays reconnus traditionnellement comme des paradis fiscaux.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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RSE, entreprises et droit canadien : un bilan

Bonjour à toutes et à tous, je viens de publier (avec Valérie Deshaye et Romy Mac Farlane-Drouin) dans Les Cahiers de droit (Volume 57, numéro 4) avec le titre suivant : « Entreprises et responsabilité sociale : évolution ou révolution du droit canadien des affaires ? ».

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) gagne du terrain au Canada, comme le démontre le sujet des entreprises multinationales, notamment celles qui travaillent dans le domaine extractif. Le Canada a adopté en novembre 2014 une nouvelle stratégie de promotion de la responsabilité sociale des entreprises pour les sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger. Si le cadre législatif se montre à l’heure actuelle peu contraignant, il n’en demeure pas moins qu’il a connu quelques réformes récentes cherchant, au bout du compte, à donner à la RSE une place plus importante dans la sphère économique. Dans le même sens, la jurisprudence canadienne semble également faire bouger ses pions sur l’échiquier en tentant d’imposer aux sociétés mères une responsabilité plus grande, tout en facilitant l’accès des victimes aux recours judiciaires. Au final, le droit canadien des affaires est dans un continuum réglementaire caractérisé par une série d’évolutions (d’une force normative variable) qui renforcent la responsabilité de ces dernières.

Quelle est notre conclusion ?

Les conséquences de cette évolution du cadre normatif sont considérables. D’une part, la RSE donne à l’entreprise une place et un rôle différents dans les sociétés contemporaines, loin des lectures économique et financière : la RSE « brings a new perspective of the firm and its role in society, as corporations participate more and more as legitimate actors in the political process ». Elle « proposes a reinterpretation of the firm as a social and political actor ». D’autre part, ce sont les bases même de la gouvernance des entreprises (et son modèle théorique d’essence économico-financier) qui se trouvent renouvelées en profondeur dans un objectif clairement reconnaissable : les rendre plus responsables de leurs activités.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

 

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Devoir de vigilance en France : c’est adopté !

Bonjour à toutes et à tous, ça y est la France l’a fait : elle a adopté le devoir de vigilance pour les grandes entreprises. Le 30 novembre dernier, l’Assemblée nationale a finalement adopté, en dernière lecture cette nouvelle obligation. Si la nouvelle est à saluer, le texte se révèle éloigné des ambitions affichées au départ. Ce commentaire publié dans Les Échos.fr « L’Assemblée nationale adopte une vision répressive de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales » revient sur un certain nombre de critiques :

 

Cette proposition de loi prévoit que les sociétés qui réalisent un total de bilan de plus de 20 millions d’euros ou un montant net de chiffre d’affaires de plus de 40 millions d’euros et qui emploient depuis deux ans plus de 5000 salariés en son sein et dans ses filiales et dont le siège social est en France, établissent et mettent en oeuvre un plan de vigilance « raisonnable ».

Le périmètre d’action se voit ainsi restreint puisque le Sénat avait ramené le volume de salariés à 500, l’Assemblée lui préférant 5000. Les entreprises visées seront donc moins nombreuses. Mais elles subiront un arsenal d’une contrainte toute autre que celle que le Sénat avait imaginé en s’inspirant plus heureusement des pratiques de la Responsabilité Sociale des Entreprises.

 

Et encore :

 

(…) Le contenu du plan de vigilance est considérablement alourdi en prévoyant des cartographies de risques et autres mécanismes d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans la société.

Pire encore, le Palais Bourbon consacre le retour à l’amende d’un montant maximal de 10 millions d’euros qui avait, bien heureusement, été enlevé par le Sénat. Le montant de cette amende peut même être majoré jusqu’à trois fois, en fonction de la gravité et des circonstances du manquement et du dommage.

Il est (aussi) prévu que l’action en responsabilité est introduite devant la juridiction compétente par toute personne justifiant d’un intérêt à agir à cette fin.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Devoir de vigilance en France : les choses avancent

La France travaille toujours sur le projet de loi visant à instaurer un devoir de vigilance aux grandes entreprises. La proposition de loi vise à responsabiliser les chaînes d’approvisionnement internationales. La proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre poursuit son chemin législatif chaotique. Mais il est dans sa dernière ligne droite et devrait bientôt aboutir.

Pour en savoir plus, cliquez sur ce billet de Novethic : « Devoir de vigilance : ce qui sera demandé aux entreprises » (30 novembre 2016).

 

Cet après-midi, en séance publique, les députés sont revenus, en 3ème lecture, à une version proche de la proposition initiale. Ils ont toutefois clarifié la notion de « plan de vigilance », clé de voûte de la loi.

Toutes les entreprises françaises de plus de 5000 salariés sur le territoire seront tenues d’élaborer, avec leurs « parties prenantes » des « mesures de vigilance raisonnable ». Des mesures qu’elles devront mettre en place. Objectif : « identifier les risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, ainsi que l’environnement » résultant directement ou indirectement de ses activités ou de celles de ses filiales, ses sous-traitants, fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie.

À l’origine, ce plan, public, devait être défini par un décret. Il est finalement cadré par la loi. Il devra comprendre:

– Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation.

– Des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie au regard de la cartographie des risques.

– Des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves

– Un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques défini avec les organisations syndicales représentatives.

– Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian