Responsabilité sociale des entreprises | Page 51

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Gouvernance et objet social : une entrevue

Intéressante entrevue sur les liens entre gouvernance et objet social dans la revue Dirigeants : « La gouvernance vecteur de l’objet social de l’entreprise » (n°6, décembre 2018). L’occasion de lire l’opinion de MM.   Pierre-Olivier Bernard (Associé fondateur, Opléo Avocats) et Patrice Charlier (Maître de Conférences, Chaire « Gouvernance et transmission d’entreprises familiales », EM Strasbourg Business School).

Petit extrait :

Comment la loi Pacte, en souhaitant redéfinir l’objet social de l’entreprise, impacte-t-elle la gouvernance ? Qu’est-ce qu’une entreprise utile ?

Pierre-Olivier Bernard : Nous assistons à ce changement de paradigme et la loi Pacte n’en est que la retranscription, notamment à travers la raison d’être de l’entreprise et la notion d’entreprise à mission. Nous évoluons ainsi d’une entreprise actionnariale, uniquement centrée sur le profit pour les actionnaires, vers une entreprise qui est aujourd’hui en recherche d’une performance globale. Ce changement de paradigme sous-tend une nouvelle gouvernance. Ceci a été d’ailleurs parfaitement et récemment évoqué par Antoine Frérot, PDG de Véolia lors du Positive Global Forum : « C’est parce qu’une entreprise est utile qu’elle prospère et non l’inverse. » La loi Pacte incarne ainsi la reconnaissance de la quête de sens et de l’utilité de l’entreprise.

Patrice Charlier : La redéfinition de l’objet social soulève une question principale : « Qu’est-ce qui légitime le pouvoir des entreprises ? Leur résultat financier ou leur contribution au bien commun (4) » ? Une proposition du projet de loi est de compléter l’article 1835 du Code civil par la phrase : « Les statuts peuvent préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité. » Ainsi, les entreprises pourraient inscrire une mission d’intérêt général dans leurs statuts. Mais, quel en sera le réel impact sur la gouvernance ? Beaucoup d’entreprises, notamment familiales, se donnent déjà des missions plus larges que le seul intérêt de leurs actionnaires, sans l’inscrire dans leurs statuts. C’est le cas du groupe familial Fehr qui mentionne sur son site Web : « L’engagement du groupe Fehr dans une démarche RSE est une méthode volontaire qui implique de trouver un équilibre entre enjeux économiques, sociaux, environnementaux et sociétaux dans ses activités et dans les interactions avec ses parties prenantes. » Les Fehr, comme beaucoup d’autres entreprises, ont compris depuis longtemps qu’ils ne pouvaient pas ignorer les attentes de leurs parties prenantes pour réussir.

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Performance sociétale = performance financière ?

En voilà une belle question : la RSE paie-t-elle ? C’est à cette question que je vous renvoie ce midi autour de l’article suivant : « Et si la performance sociétale améliorait la performance financière ? » (par Caroline Ménard, revue gestion, 4 février 2019).

Quel bilan pour l’auteure ?

La bonne nouvelle ? Les entreprises qui se sont engagées de façon précoce dans le développement durable se sont avérées plus profitables que leurs concurrentes. Un investissement de 1$ en 1993 générait en 2010 un revenu cumulé de 15,80$ comparativement à 9,30$ pour les autres. Par « engagement », nous entendons la mise en place et la publication d’indicateurs très concrets qui tiennent compte des intérêts des différentes parties prenantes : les clients, les fournisseurs, les employés. Un peu plus de la moitié d’entre elles (53%) ont même lié la rémunération de leurs dirigeants à des indicateurs d’impacts environnementaux ou de performance sociale. Une pratique d’autant plus audacieuse que nous parlons d’engagements qui remontent à 1993. C’était il y a 25 ans !

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Everything Old is New Again—Reconsidering the Social Purpose of the Corporation

Bonjour à toutes et à tous, je vous invite à lire l’article suivant publié sur l’Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation : « Everything Old is New Again—Reconsidering the Social Purpose of the Corporation » (par Gregory J. Holly, 12 mars 2019).

Petit extrait :

At a time when trust in US business is at an all-time low, according to the Edelman Trust Barometer, the idea that the corporation should be run solely for the benefi of the shareholders is being questioned, including by large institutional shareholders

While the social interests that a corporation serves and the interests of shareholders are often viewed as being in tension, when viewed outside of a short-term perspective, social interests and shareholder interests are often aligned. After all, corporations do not succeed by consistently neglecting the expectations of employees, customers, suppliers, creditors and local communities, but neither do corporations attract necessary capital from equity markets if they fail to meet shareholder expectations of a competitive return. Increased focus by investors on the broader societal impacts of their portfolio companies may help assuage underlying concerns about the responsible use of significant economic power by corporations—and large institutional investors—but a common set of appropriate metrics that look beyond shareholder return have not yet developed. Until they do, shareholder value will remain the primary polestar for assessing boards and managers and holding them accountable. At the same time, it is clearly in the common interest of investors and corporations to address societal expectations, reduce tensions and build trust in our important economic institutions. Institutional investors can play a key role in helping corporations navigate this difficult terrain by emphasising in specific terms the key environmental and social factors that are meaningful to their investment decisions.

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ESMA publishes responses to its Consultations on Sustainable Finance

Bonjour à toutes et à tous, l’ESMA vient de publier la réponse à sa consultation sur l’intégration des risques et des facteurs de durabilité (ici).

The European Securities and Markets Authority (ESMA) has published the responses received to its Consultations on integrating sustainability risks and factors in MiFID II, and in the UCITS Directive/AIFMD.

Pour accéder aux documents de réponse :

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Amazon et ses impôts

« Amazon paie-t-il des impôts fédéraux aux États-Unis ? » est un article tiré du journal Le Soleil qui permet de revenir sur la fiscalité des GAFA avec un regard plein de mesure toutefois…

Extrait :

Les conclusions du rapport de l’ITEP (3) semblent corroborées par les propres déclarations règlementaires d’Amazon. Mais cela nécessite une interprétation. La société paie des impôts, mais elle a suscité la controverse aux États-Unis et de l’autre côté de l’Atlantique pour avoir su trouver des moyens de réduire son ardoise fiscale. Selon Matt Gardner, un responsable de l’ITEP, la facture fiscale du géant d’internet à l’égard des États américains est d’environs de 2,9 %. «C’est certainement supérieur à zéro», a-t-il relevé. Sabuhi Sardarli, professeur de finances à l’université du Kansas qui a effectué des recherches sur l’évasion fiscale des entreprises, a déclaré à l’AFP qu’Amazon faisait des provisions en prévision de taxes supérieures à l’avenir. «En d’autres termes, se concentrer sur la récente facture fiscale d’Amazon pourrait ne pas donner une image complète», a-t-il indiqué.

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Shareholder primacy — going beyond the shareholder

Dans « Shareholder primacy — going beyond the shareholder », Catherine Maxwell propose un billet intéressant que je relaie ici. Ce billet amène une réflexion sur la primauté de la norme actionnariale dans une perspective australienne.

Extraits :

The debate between those who advocate that the purpose of the company is to only to make profits for shareholders (shareholder primacy), and those who consider that a company should take into account a broader range of interests has a venerable history. We have seen advocates for both sides of the debate active in the last few weeks. We have also seen discussions about whether Australian law should change to include provisions which specifically permit directors to consider non-shareholder interests as has been done in parts of the US and the UK.

Shareholder Primacy in changing times Jason Harris has recently revisited the issue in his paper Shareholder Primacy, in Changing Times. Writing in the context of recent events, he has produced a comprehensive summary of both the history of the debate and the chain of legal authorities. He concludes ‘When board members make decisions they include a variety of considerations. They do so not simply because the law directs them to, but because of the commercial benefit in doing so. Shareholder primacy is not seriously under threat by these changing times, because it has only been one part of the story’. I tend to agree with him.

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Projet de loi PACTE : le Sénat ne souhaite pas « repenser la place de l’entreprise dans la société »

Depuis la fin de l’année 2017, le projet de loi PACTE sur la croissance et la transformation des entreprises anime grandement l’actualité française en matière de droit des sociétés. Alors que le chemin semblait tracé vers la consécration des enjeux sociétaux et environnementaux dans la gouvernance d’entreprise, le Sénat a décidé de supprimer l’article 61 relatif à ces considérations dans le projet adopté le 12 février 2019.

Retour sur les étapes antérieures du projet de loi PACTE

En octobre 2017, le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) prenait naissance dans la stratégie du gouvernement français alors nouvellement élu. Dans cette optique de modernisation de l’économie, la présentation du rapport L’entreprise, objet d’intérêt collectif[1] proposait la réécriture des articles 1832, 1833 et 1835 du Code civil, qui constituent les fondements juridiques du droit des sociétés en France. Derrière cette idée, il s’agissait d’intégrer dans la gestion courante des affaires de l’entreprise la prise en compte de l’intérêt général d’une façon assez élargie pour y intégrer les parties prenantes, la société dans sa globalité et l’environnement.

En juillet 2018, le projet de loi prenait forme et était présenté à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une procédure législative accélérée[2]. Or, ce texte ne reprenait alors que la modification des articles 1833 et 1835 pour parvenir à « repenser la place de l’entreprise dans la société » [3]. Ainsi, il s’agissait de réécrire l’article 1833 en y incluant un nouvel alinéa disposant que « La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité »[4]. Un changement majeur intervenait plus particulièrement dans l’article 1835. En effet, le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale entendait doter le droit des affaires français de son propre modèle d’entreprise hybride, alors nommée entreprise à mission sociétale[5]. En venant rompre avec l’idée traditionnelle que les entreprises ne poursuivent comme unique finalité que la maximisation des profits pour les actionnaires, M. Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances, et M. Édouard Philippe, premier ministre, à travers cette proposition, souhaitaient permettre aux entreprises de se doter d’une « raison d’être », précisée dans les statuts de la société, et qui orienterait la gestion de l’entreprise conformément à son objet social[6]. L’avenir du droit des sociétés français tendait ainsi à se moderniser face aux enjeux sociaux et environnementaux majeurs du XXIe siècle. En octobre 2018, ce projet de loi été adopté par l’Assemblée nationale.

Le recul du Sénat

Alors que l’optimisme avait envahi les partisans de l’entreprise à mission sociétale, le Sénat a décidé de ne pas se ranger de leur côté en supprimant l’article 61 du projet voté le 12 février 2019. Dans les discussions ayant eu lieu autour de ces articles, plusieurs arguments ont été soulevés. D’une part, les sénateurs favorables à ces articles défendent l’idée que les enjeux sociaux et environnementaux doivent être intégrés à la gouvernance d’une entreprise qui évolue dans un contexte aujourd’hui soucieux d’un développement durable, responsable et pérenne[7]. De ce fait, le gouvernement s’est prononcé à ce sujet par le biais de sa secrétaire d’État, Mme Agnès Pannier-Runacher en soutenant que

  • le droit serait ainsi en accord avec la réalité dans laquelle il s’inscrit, qui est celle d’un monde entrepreneurial où les chefs d’entreprise ont la volonté de faire évoluer leur structure pour faire le bien dans la communauté ;
  • qu’il est actuellement impossible d’ignorer que les activités économiques ont un impact social et environnemental et que la prévention des risques au sein d’une entreprise passe par la prise en compte de la RSE, qui a su démontrer qu’elle agit positivement sur la performance de cette dernière[8].

À l’opposé, les sénateurs qui n’y sont pas favorables ont dénoncé « un risque juridique et contentieux important sur les sociétés de toute taille » par rapport à des actions en responsabilités qui pourraient être menées envers les dirigeants d’entreprises pour ne pas avoir pris suffisamment en compte les enjeux sociaux et environnementaux[9]. La problématique que la RSE puisse devenir un « alibi juridique » a également été soulevée, emportant avec elle le risque d’« annihiler l’élan réel » qu’elle connaît actuellement[10]. Enfin, la rédaction de l’article 61 du projet de loi PACTE a été vivement critiquée. La « prise en considération » des enjeux sociaux et environnementaux ainsi que le « pouvoir » de définir une « raison d’être » dans les statuts manquent pour certains de clarté, altérant ainsi le droit positif français et ouvrant la porte à des ambiguïtés et de l’insécurité juridique si des litiges venaient à être portés devant les juges[11].

Le débat s’est clôturé avec un vote favorable à l’amendement n° 653 qui visait à supprimer l’article 61 du projet de loi PACTE. À l’heure actuelle, il n’est donc plus question pour le Sénat de « repenser la place de l’entreprise dans la société ».

Et maintenant ?

Étant donné les modifications majeures qui ont été adoptées par le Sénat, le processus législatif accéléré qui régit ce projet de loi s’ouvre maintenant sur une commission mixte paritaire qui se réunira le 20 février 2019 pour tenter de trouver un consensus sur ce texte.

Affaire à suivre !


[1] Nicole NOTAT et Jean-Dominique SENARD, L’entreprise, objet d’intérêt collectif, Rapport aux ministres de la Transition écologique et solidaire, de la Justice, de l’Économie et des Finances, du Travail, 9 mars 2018, en ligne : https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=FAA5CFBA-6EF5-4FDF-82D8-B46443BDB61B&filename=entreprise_objet_interet_collectif.pdf.

[2] Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.

[3] C’est ainsi qu’est intitulée la section 2 du Chapitre III – Des entreprises plus justes, comprenant les articles 61 et suivants du projet de loi PACTE, voir : Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis.,  en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.

[4] Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., article 61, p. 190, en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.

[5] Une entreprise à mission sociétale est une entreprise lucrative qui a pour activité une vente de biens et/de services, et qui limite la distribution des bénéfices réalisés pour les réinvestir dans la réalisation d’une mission extrafinancière.

[6] Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., article 61, p. 191, en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.

[7] Intervention de M. Fabien Gay, Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206018.html.

[8] Intervention de Mme Agnès Pannier-Runacher (secrétaire d’État), Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206019.html.

[9] Intervention de Mme Patricia Morhet-Richaud, Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206018.html.

[10] Intervention de Mme Sophie Primas, Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206019.html.

[11] Intervention de M. Dominique Legge et de M. Jean-Marc Gabouty, Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206019.html.