Responsabilité sociale des entreprises | Page 58

Normes d'encadrement responsabilisation à l'échelle internationale

Entreprises et droits de l’Homme : Avis de la Plateforme RSE

En France, la plateforme RSE a publié il y a peu son avis sur le Plan national pour l’application des principes des Nations unies pour les droits de l’homme et les entreprises qui dresse un diagnostic partagé entre les parties prenantes et formule une série de recommandations sur les trois axes définis par les Nations unies :

  • L’obligation de protéger les droits de l’homme incombant à l’État ;
  • La responsabilité incombant aux entreprises de respecter les droits de l’homme ;
  •  L’accès à des voies de recours.

 

Le principal dissensus qui a traversé l’ensemble des réunions du groupe de travail pose la question des modalités de l’encadrement des entreprises multinationales : volontaires ou contraignantes. Dans le contexte actuel de mondialisation et de montée en puissance d’acteurs privés transnationaux, la solution pour protéger les droits de l’homme, offrir un meilleur accès à la justice et une indemnisation aux victimes de violations des droits de l’homme réside-t-elle dans une mise en oeuvre de démarches volontaires des acteurs privés et/ou dans la création de cadres législatifs qui obligent à respecter ces droits et sanctionnent leurs violations ?

De belles propositions…

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Gouvernance normes de droit responsabilisation à l'échelle internationale

Devoir de vigilance : le Conseil constitutionnel censure la sanction

Le Monde a relayé cette information qui a refroidi les défenseurs de la responsabilité sociétale : le Conseil constitutionnel a censuré la loi instaurant un devoir de vigilance à l’encontre des multinationales : « La loi obligeant les multinationales à contrôler leurs sous-traitants partiellement censurée » (23 mars 2017). Bien qu’inquiétante, cette nouvelle est à relativiser…

Petit extrait :

 

Adopté par l’Assemblée nationale le 21 février, au terme d’un marathon législatif de quatre ans, le texte enjoignait les entreprises françaises ou installées en France d’au moins 5 000 salariés (10 000 pour les filiales de groupes étrangers) à établir un plan de vigilance pour « prévenir les atteintes graves » de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, aux droits de l’homme et à l’environnement. Dans le cas contraire, elles encouraient jusqu’à 10 millions d’euros d’amende, voire 30 millions si l’absence de plan débouchait sur un préjudice (pollution d’un cours d’eau, accidents du travail…), avec publication possible de la sanction.

Mais le champ d’application du texte a posé problème. La loi mentionnait « les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales ». Une formulation jugée trop vague. « Le principe d’égalité des délits et des peines impose de délimiter une infraction en termes suffisamment clairs et précis. Les termes employés ne l’étaient pas assez » détaille-t-on au Conseil constitutionnel, qui a tout de même pris soin de rappeler « l’incontestable objectif d’intérêt général poursuivi par le législateur » avec ce texte.

 

Point important :

 

Demeurent notamment dans la loi « l’obligation (…) d’établir un plan de vigilance, (…) et la possibilité pour le juge d’engager [la] responsabilité [de la société] en cas de manquement à ses obligations. » Les entreprises devront publier les éléments de leur plan dans leur rapport annuel de gestion.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Le mercure monte : les changements climatiques et l’avenir de l’économie canadienne (allocution du sous-gouverneur de la Banque du Canada)

Le 2 mars 2017, l’Initiative pour la finance durable a accueilli Timothy Lane, sous-gouverneur de la Banque du Canada au Club Saint-James de Montréal pour parler des impacts du changement climatique dans un discours intitulé : « Le mercure monte : les changements climatiques et l’avenir de l’économie canadienne ». Inauguré par François Boutin-Dufresne, membre du conseil d’administration de l’IFD et stratège en économie et marchés mondiaux chez Pavilion Marchés Mondiaux. Je vous communique ici le récapitulatif de ce dîner-conférence en remerciant l’IFD de cette magnifique initiative !

Le discours de M. Lane marque la première déclaration publique de la Banque du Canada au sujet des changements climatiques. Le sous-gouverneur a indiqué que les changements climatiques et les mesures prises pour mitiger et s’adapter aux impacts, auront des effets significatifs et généralisés sur l’économie et le système financier canadien. En réalité, il est estimé que l’absence d’action pour remédier aux changements climatiques pourrait coûter à l’économie canadienne entre 21 et 43 milliards de dollars par an d’ici 2050. Le sous-gouverneur a souligné les risques liés aux changements climatiques spécifiques à certains secteurs, notamment le secteur forestier, l’agriculture et l’industrie minière en faisant référence à l’impact important des feux de forêt de 2016 en Alberta.

Politique monétaire, tarification du carbone et la finance verte

Après avoir discuté des impacts économiques des changements climatiques, le sous-gouverneur s’est tourné vers les outils et les politiques disponibles pour y remédier: la tarification du carbone et la finance verte.

  • La Banque du Canada croit que l’établissement d’un prix pour le carbone par le biais d’une taxe ou d’un système de plafonnement et d’échange créera des incitatifs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la façon la plus efficace possible. Le sous-gouverneur a reconnu les potentielles conséquences économiques négatives de la tarification du carbone sur les ménages les plus vulnérables tout en notant qu’elles peuvent être minimisées en utilisant les revenus de la taxation du carbone pour alléger la charge d’autres impôts. En saluant les ententes mondiales telles que l’Accord de Paris entré en vigueur en 2016, M. Lane a appelé à un régime mondial cohérent et harmonisé de tarification du carbone. Cette harmonisation encourage la réduction des émissions et évite le possible déplacement des activités à émissions intensives vers d’autres régions.

Le sous-gouverneur a également remarqué que la finance verte, qui facilite les flux financiers du secteur privé vers des investissements écologiquement durables, est un puissant outil pour atteindre les cibles liées aux changements climatiques. À l’avenir, une transparence accrue et de meilleurs outils d’analyse seront essentiels pour informer les investisseurs des risques physiques, de passif et de transition de politique qui pourraient avoir une incidence sur les actifs financiers. Le sous-gouverneur a fait référence à l’important travail réalisé par le groupe de travail sur les informations financières liées au climat du Conseil de stabilité financière et le groupe d’étude sur la finance verte du G20

Un changement structurel majeur

M. Lane a indiqué que « le passage à une économie à faibles émissions de carbone représente un changement structurel majeur pour l’économie mondiale et l’économie canadienne » qui modifiera à la fois la façon dont les biens et services sont produits et quels types de biens et services sont produits et consommés. Ces changements seront probablement plus profonds pour le Canada que pour n’importe quel autre pays en raison de la production d’énergies fossiles et de la consommation élevée d’énergie par personne. Le sous-gouverneur a souligné que l’introduction d’une tarification du carbone n’aura qu’un effet transitoire sur l’inflation et a commenté que les profondes modifications structurelles qui vont s’opérer sont susceptibles d’avoir des conséquences importantes tant pour l’offre globale que pour la demande et que cela sera soigneusement considéré par la Banque du Canada dans la conduite de la politique monétaire. M. Lane a rappelé que la Banque du Canada ne règlemente pas les marchés financiers et ne peut donc pas décider comment les banques, les compagnies d’assurance et les autres institutions financières devraient se prémunir contre les risques liés aux changements climatiques. Cependant, il a conclu son discours en indiquant que la Banque du Canada continuera de travailler pour prendre en compte les risques dans les modèles économiques et les décisions stratégiques tout en jouant un rôle important dans les futures discussions sur les politiques. Le discours du sous-gouverneur a été suivi d’une période de questions et de réponses animée par Roger Beauchemin, président et chef de la direction d’Addenda Capital, qui a permis d’en connaître davantage sur la façon dont la Banque du Canada considère la science du climat et les risques liés au carbone, comment elle peut influencer diverses décisions politiques et comment elle incorpore les réflexions liées au climat dans ses activités quotidiennes. Les questions et les commentaires des participants ont conduit à une discussion sur la politique monétaire de la Banque du Canada et ses stratégies pour accroître le dialogue sur les changements climatiques entre les communautés scientifique et financière

Obligations vertes du Québec

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, a ensuite pris la parole pour détailler la récente mise en place  d’un programme d’obligations vertes, incluant la première émission d’obligations vertes le 24 février 2017, faisant du Québec la seconde province, après l’Ontario, à instaurer un tel programme financier novateur. Le programme est basé sur les Principes d’obligations vertes de l’Association internationale des marchés de capitaux et permet au gouvernement de lever du capital pour des projets spécifiques qui ont des bénéfices tangibles sur l’environnement au Québec tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou l’adaptation aux changements climatiques. Les nouvelles obligations vertes du Québec ont les mêmes caractéristiques que les obligations conventionnelles en terme de prix, rendement, échéance et cote de crédit. En outre, le ministre a affirmé que le programme sera déployé de façon transparente et sera guidé par un processus de responsabilité rigoureux. En conclusion, M. Leitão a souligné le rôle important que le programme jouera en permettant à la province de développer un marché pour l’investissement responsable, en attirant de nouveaux investisseurs sur le marché obligataire québécois et de faire progresser le Québec vers une économie moins utilisatrice de carbone.

 

Pour avoir plus de détail sur cette intervention : cliquez ici.

Pour accéder à la vidéo de l’intervention : cliquez ici.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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RSE et droit : un couple devenu inséparable

Réflexion intéressante proposée sur The Conversation consacrée à la RSE et au droit : « Les nouvelles règles du jeu de la responsabilité sociale des entreprises » (26 février 2017). Les auteurs reviennent à cette occasion sur l’intégration des préoccupation de RSE dans le droit.

 

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) connaît un succès manifeste depuis plusieurs années, donnant lieu à une production normative particulièrement prolifique, inventive et dynamique : codes de conduite, chartes éthiques, mécanismes de « lanceurs d’alerte », procédures de contrôle inspirées de la compliance, dispositifs de surveillance, d’évaluation et de labellisation par des agences de notation et, plus récemment, indicateurs de performance et mécanismes intelligents dits de SMARTLaw. Pendant longtemps, les juristes ont ignoré ces normes qu’ils considéraient comme étrangères au droit. N’émanant pas des institutions officielles de production du droit, ces dispositifs normatifs de la RSE ne seraient en effet pas « bien-nés » et ne pourraient dès lors être considérés comme des normes juridiques en tant que telles. La tendance semble toutefois commencer à s’inverser.

 

Conclusion des auteurs :

 

En conséquence, la RSE, bien qu’atypique au regard des standards juridiques classiques, constitue un puissant système normatif en ce qu’il relève d’une dynamique mondiale, tirée par des acteurs privés et publics, visant à conduire les entreprises à adopter des standards internationaux (droits de l’homme, anticorruption, droits sociaux).

Ceci justifie l’intérêt des managers et des conseils d’administration à intégrer des juristes dans la conception et la mise en place des politiques RSE au sein des entreprises nationales et transnationales.

 

Sans tout révolutionner, cet article souligne ce que nous affirmons depuis de nombreuses années maintenant : les entreprises doivent se préoccuper de la RSE d’autant plus que le droit l’intègre de plus en plus dans son propre corpus. Pour une étude récente sur la situation canadienne, je vous renvoie à mon dernier article intitulé « Entreprises et responsabilité sociale : évolution ou révolution du droit canadien des affaires ? » paru dans Les Cahiers de droit (Volume 57, numéro 4, décembre 2016, p. 635-683).

 

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) gagne du terrain au Canada, comme le démontre le sujet des entreprises multinationales, notamment celles qui travaillent dans le domaine extractif. Le Canada a adopté en novembre 2014 une nouvelle stratégie de promotion de la responsabilité sociale des entreprises pour les sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger. Si le cadre législatif se montre à l’heure actuelle peu contraignant, il n’en demeure pas moins qu’il a connu quelques réformes récentes cherchant, au bout du compte, à donner à la RSE une place plus importante dans la sphère économique. Dans le même sens, la jurisprudence canadienne semble également faire bouger ses pions sur l’échiquier en tentant d’imposer aux sociétés mères une responsabilité plus grande, tout en facilitant l’accès des victimes aux recours judiciaires. Au final, le droit canadien des affaires est dans un continuum réglementaire caractérisé par une série d’évolutions (d’une force normative variable) qui renforcent la responsabilité de ces dernières.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, adoptée définitivement en Lecture définitive par l’Assemblée nationale le 21 février 2017

Après des mois et des mois de négociations, la France vient d’adopter le devoir de vigilance des entreprises donneuses d’ordre !

 

Pour en savoir plus sur le dossier législatif, cliquez ici.

Pour accéder au texte définitif, cliquez ici.

 

Principales dispositions du texte

Principales dispositions de la proposition de loi :

Article 1er
Obligation pour les grandes sociétés anonymes d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance comportant les mesures propres à identifier et prévenir la réalisation de risques d’atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires résultant de leurs activités et de celles des sociétés qu’elles contrôlent, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs sur lesquels elles exercent une influence déterminante.

Article 2
Modalités d’engagement de la responsabilité des sociétés en cas de manquement à l’obligation d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Responsabilité des entreprises à l’international

Les affiches parisiennes publient une intéressante synthèse d’Un colloque qui a eu lieu à Paris intitulé : « Vers une responsabilité des entreprises à l’international ? ». Une occasion de revenir sur un thème hot de ces derniers temps…

 

Les accords internationaux de libre-échange n’imposent que très peu d’obligations aux entreprises sur les droits de l’Homme. Cette asymétrie du statut juridique des sociétés dans le monde a été vivement discutée par le Centre de droit civil des affaires du contentieux économique (Cedcace) et le Centre d’études juridiques européennes et comparées (Cejec) de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, lors d’un colloque intitulé « Indépendance juridique de la personne morale versus dépendance économique ».

 

Pour rappel, j’ai publié avec 2 étudiantes brillantes (Valérie et Romy se reconnaitront) un article paru récemment dans Les Cahiers de droit : « Entreprises et responsabilité sociale : évolution ou révolution du droit canadien des affaires ? » (2016, Volume 57, numéro 4). De même, vous trouverez un modeste partage de réflexion dans le cadre de 2 billets de blogue publiés sur Contact (revenant sur des évolutions récentes du paysage juridique canadien) : « Devoir de vigilance: faut-il emboîter le pas? » et « Les droits de l’homme et les entreprises ».

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Devoir de vigilance des multinationales : le Sénat résiste !

Je viens d’apprendre dans Les Échos.fr une triste nouvelle : la consécration du devoir de vigilance se trouve à nouveau reporté ! Dans « Devoir de vigilance des multinationales, le Sénat fait de la résistance », M. Hervé Guyader précise que 4 critiques ont été émises par le Sénat.

 

Le Sénat adopte une exception d’irrecevabilité à l’encontre du projet de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, l’estimant inconstitutionnel. Le 1er février dernier, le Sénat a adopté une exception d’irrecevabilité. C’est l’article 44 alinéa 2 du règlement du Sénat qui prévoit cette exception dont l’objet est de faire reconnaître que le texte en discussion est contraire à une disposition constitutionnelle. Le Sénat estime ainsi que ce projet de loi comporte des dispositions contraires à la constitution. Et elles sont nombreuses :
Bonne lecture de la suite !

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian