Valeur actionnariale vs. sociétale | Page 8

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Commentaire critique sur la dernière position du Business Roundtable

Comme à son habitude, le professeur Michel Albouy livre une analyse fort intéressante. Cette fois, cette dernière porte sur le manifeste du Business Roundtable (association regroupant 181 dirigeants (CEO) de grandes entreprises américaines) publié le 20 août 2019 : « Les grands patrons américains veulent-ils vraiment mettre à égalité actionnaires et RSE ? » (Les Échos, 20 septembre 2019).

Extrait :

Position d’arbitre

Doit-on prendre pour argent comptant ces belles déclarations ? N’est-ce pas un nouveau «green washing» ? Beaucoup, et à commencer par les salariés de leurs entreprises, en doute. Certains spécialistes et chercheurs de gouvernance d’entreprise également. C’est notamment le cas du professeur Zingalès de l’université de Chicago qui pense que l’appel de ces dirigeants à redéfinir le rôle de l’entreprise n’est pas dénué d’arrières pensées

L’idée consistant à faire des dirigeants les arbitres des intérêts – éventuellement divergents – des différentes parties prenantes de l’entreprise revient à les exonérer de leurs obligations à l’égard de leurs mandants que sont les actionnaires. Ainsi, telle insuffisance de rentabilité et/ou de croissance pourra être expliquée par les enjeux sociétaux auxquels il faut répondre impérativement.

Il y aura toujours une bonne explication pour justifier des performances financières insuffisantes. En demandant aux dirigeants de rendre des comptes à tout le monde (actionnaires, créanciers, employés, fournisseurs, collectivités publiques, etc.) et de justifier leurs actions, on place ainsi les dirigeants en position d’arbitre entre des intérêts divergents et sans véritable contre-pouvoir, celui des actionnaires.

Pourtant ces derniers ne sont pas des parties prenantes comme les autres : elles sont les seules à ne pas avoir de relation contractuelle avec l’entreprise et ce sont des créanciers résiduels. A ce titre ils doivent avoir un œil sur l’ensemble des contrats que passe l’entreprise avec ses parties prenantes afin d’avoir en fin de compte des résultats satisfaisants. Cet œil est justement le conseil d’administration.

Les mains libres

En fait, rien n’empêche les entreprises de «délivrer de la valeur aux consommateurs», «investir dans leurs salariés», «négocier de manière juste et éthique avec leurs fournisseurs» ou encore «supporter les communautés dans lesquelles nous vivons». L’intérêt à long terme des actionnaires convergeant avec l’intérêt de l’entreprise, il convient avant tout, selon le professeur Zingales, d’éviter que les dirigeants profitent de la situation pour agir à leur guise sans le contre-pouvoir des actionnaires, générant ainsi d’importants coûts d’agence pour l’entreprise.

Contrairement à la vulgate véhiculée par les tenants d’une réforme de l’entreprise qui voudraient remiser les actionnaires au rang de simple partie prenante, l’intérêt à long terme des actionnaires passe par une prise en compte des attentes de leurs clients, mais également de leurs employés et de leurs fournisseurs. Car comment créer de la valeur pour les actionnaires sans de bons produits et clients satisfaits, sans salariés performants et motivés et sans fournisseurs fiables et de qualité ?

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Grande entreprise : le temps de la responsabilité

Bonjour à toutes et à tous, intéressant billet dans Les affaires.com : « La peur de la grande entreprise américaine pour son capitalisme ».

Extrait :

« De plusieurs manières et sans mauvaise intention, plusieurs entreprises sont parvenues à ignorer plusieurs problèmes de notre société. Elles sont appelées aujourd’hui à en faire plus et elles le devraient », a écrit le mois dernier le patron de la banque JPMorgan Chase, Jamie Dimon, dans une lettre à ses actionnaires qui a attiré l’attention. « Je suis un capitaliste et même moi, je pense que le capitalisme est cassé », avait déclaré plus tôt Ray Dalio, fondateur de l’immense fonds de couverture Bridgewater, au moment de lancer sur les réseaux sociaux un essai intitulé « Pourquoi et comment le capitalisme doit être réformé ».

Ils ne sont pas les seuls à s’inquiéter de la tournure des événements, rapportait le mois dernier le Financial Times. Plusieurs autres porte-étendards de la grande entreprise américaine ont récemment tenu des propos similaires. Certaines de ces grandes entreprises, dont General Electric et Honeywell, ont ajouté la montée du populisme et de l’opposition aux multinationales à leurs listes officielles de facteurs de risque. Pendant ce temps, la future génération de dirigeants d’entreprise semble se laisser gagner par les idées de changement, racontait le mois dernier le Washington Post. Créé il y a seulement sept ans, l’un des cours actuellement les plus populaires à la prestigieuse Harvard Business School porte justement sur « la réinvention du capitalisme ».

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Europe et intérêt de l’entreprise : ecoDa’s position paper on Directors Duties

Le 7 mars 2019, ecoDa a pris position sur le devoir de loyauté des administrateurs : « ecoDa’s position paper on Directors Duties »

Extrait :

ecoDa supports the fundamental concept of Corporate purpose. However the European Commission should propose policy principles and refrains from trying to standardize directors’ duties among Member States and sectors. ecoDa believes that soft law through Corporate Governance codes is more suitable to adapt to an evolving context.

Acknowledging that shareholders define the company’s purpose does not mean neither that the interests of other stakeholders should not be taken into account by the directors when fulfilling their duties towards the company. On the contrary, there is no doubt that boards are taking such interests into account to an extent deemed consistent with the company’s purpose. Basically, there is a sound business case for more social and environmental involvement. Understanding consumers’ expectations and employees’ aspiration is becoming a prerequisite to become more innovative, to attract the right talents and to ensure sustainability in the long run. It is obvious that companies cannot be run in a sustainable manner if boards ignore the context in which they operate.

Therefore, the European Commission should refrain from trying to harmonize the fundamental concept of corporate interest and directors’ duties due to the very important legal differences across Europe and the different contexts across sectors. No law should hold directors accountable to several “principals”, arguably with often mutually contradictory interests. The board can solely be accountable to the company for the discharge of its duty to promote the purpose of the company. If the criteria for liability are not clearly defined, the boards will be liable to nobody for nothing or to everybody for anything. “Being liable to everybody means being liable to nobody”. Legal certainty is the basis of a competitive economic environment.

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Milton Friedman is right, profit is a company’s only purpose

Dans un article du Financial Post de janvier 2019, Terence Corcoran revient sur les thèses de Milton Friedman pour les appuyer au travers d’arguments intéressants. Je vous invite à lire son analyse dans l’article suivant : « Milton Friedman is right, profit is a company’s only purpose » (Financial Post, 19 janvier 2019)

Petit extrait :

There is nothing in the redefine-capitalism movement that was not identified almost 50 years ago by Friedman as a danger to markets and economic freedom. The concepts and principles reviewed in his 1970 essay, ignored by Mayer and all the reformers, are as relevant today as they were then.

Generally, Friedman would have no problem with corporations that engage in virtue signalling. For example, Gillette’s “toxic masculinity” ad is an obvious attempt to sell products by piggybacking on a controversial social issue. Gillette is acting out of self-interest.

Friedman declined to denounce such corporate attempts to “generate goodwill” and draw attention to their products, although he warned that the strategic pursuit of social approval and conflict amounted to “hypocritical window-dressing.”

It is utterly false to portray corporations as manufacturers of profits at the expense of society. Today’s corporations, from Microsoft Corp. to GM to Amazon.com Inc., survive by producing goods and services that feed, clothe, transport, entertain and otherwise provide benefits to billions of people.

The corporate adoption of social purposes would take focus away from these core business purposes. Worse, expanding the number of corporate purposes places an undesirable undemocratic framework on corporate executives. As Friedman saw it in 1970, giving social and political responsibilities to business leaders installs unelected corporate managers in positions of unelected power

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BlackRock appelle à la raison d’être

Bonsoir à toutes et à tous, Larry Fink se fait encore entendre : « Le plus gros actionnaire au monde appelle les entreprises à définir leur « raison d’être » » (Les Echos, janvier 2019)…. pour le plus grand bien de la RSE. Cette fois, c’est la raison d’être que le PDG de BlackRock souhaite pousser !

Extrait :

Depuis des années, Larry Fink, le patron de BlackRock, le plus gros actionnaire de la planète, demande aux entreprises de penser à long terme. En 2018, il avait déjà appelé les patrons à oeuvrer pour le bien commun. Une révolution. Cette année, ce financier, soutien fidèle du parti démocrate, va plus loin. Il exhorte les entreprises dans lesquelles il investit à définir leur « raison d’être » .

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Gouvernance et objet social : une entrevue

Intéressante entrevue sur les liens entre gouvernance et objet social dans la revue Dirigeants : « La gouvernance vecteur de l’objet social de l’entreprise » (n°6, décembre 2018). L’occasion de lire l’opinion de MM.   Pierre-Olivier Bernard (Associé fondateur, Opléo Avocats) et Patrice Charlier (Maître de Conférences, Chaire « Gouvernance et transmission d’entreprises familiales », EM Strasbourg Business School).

Petit extrait :

Comment la loi Pacte, en souhaitant redéfinir l’objet social de l’entreprise, impacte-t-elle la gouvernance ? Qu’est-ce qu’une entreprise utile ?

Pierre-Olivier Bernard : Nous assistons à ce changement de paradigme et la loi Pacte n’en est que la retranscription, notamment à travers la raison d’être de l’entreprise et la notion d’entreprise à mission. Nous évoluons ainsi d’une entreprise actionnariale, uniquement centrée sur le profit pour les actionnaires, vers une entreprise qui est aujourd’hui en recherche d’une performance globale. Ce changement de paradigme sous-tend une nouvelle gouvernance. Ceci a été d’ailleurs parfaitement et récemment évoqué par Antoine Frérot, PDG de Véolia lors du Positive Global Forum : « C’est parce qu’une entreprise est utile qu’elle prospère et non l’inverse. » La loi Pacte incarne ainsi la reconnaissance de la quête de sens et de l’utilité de l’entreprise.

Patrice Charlier : La redéfinition de l’objet social soulève une question principale : « Qu’est-ce qui légitime le pouvoir des entreprises ? Leur résultat financier ou leur contribution au bien commun (4) » ? Une proposition du projet de loi est de compléter l’article 1835 du Code civil par la phrase : « Les statuts peuvent préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité. » Ainsi, les entreprises pourraient inscrire une mission d’intérêt général dans leurs statuts. Mais, quel en sera le réel impact sur la gouvernance ? Beaucoup d’entreprises, notamment familiales, se donnent déjà des missions plus larges que le seul intérêt de leurs actionnaires, sans l’inscrire dans leurs statuts. C’est le cas du groupe familial Fehr qui mentionne sur son site Web : « L’engagement du groupe Fehr dans une démarche RSE est une méthode volontaire qui implique de trouver un équilibre entre enjeux économiques, sociaux, environnementaux et sociétaux dans ses activités et dans les interactions avec ses parties prenantes. » Les Fehr, comme beaucoup d’autres entreprises, ont compris depuis longtemps qu’ils ne pouvaient pas ignorer les attentes de leurs parties prenantes pour réussir.

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Performance sociétale = performance financière ?

En voilà une belle question : la RSE paie-t-elle ? C’est à cette question que je vous renvoie ce midi autour de l’article suivant : « Et si la performance sociétale améliorait la performance financière ? » (par Caroline Ménard, revue gestion, 4 février 2019).

Quel bilan pour l’auteure ?

La bonne nouvelle ? Les entreprises qui se sont engagées de façon précoce dans le développement durable se sont avérées plus profitables que leurs concurrentes. Un investissement de 1$ en 1993 générait en 2010 un revenu cumulé de 15,80$ comparativement à 9,30$ pour les autres. Par « engagement », nous entendons la mise en place et la publication d’indicateurs très concrets qui tiennent compte des intérêts des différentes parties prenantes : les clients, les fournisseurs, les employés. Un peu plus de la moitié d’entre elles (53%) ont même lié la rémunération de leurs dirigeants à des indicateurs d’impacts environnementaux ou de performance sociale. Une pratique d’autant plus audacieuse que nous parlons d’engagements qui remontent à 1993. C’était il y a 25 ans !

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