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Intérêt social et loi PACTE : numéro spécial chez Dalloz

Les célèbres éditions Dalloz viennent de publier l’ouvrage Grand Angle consacré à la loi PACTE : « L’intérêt social dans la loi PACTE » (4 septembre 2019. Devinez qui a l’honneur de voir un de ses articles repris ?

Cet ouvrage est dédié à l’objet social des entreprises, une des mesures emblématiques de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) et sûrement la plus discutée au sein du Parlement. Cette mesure consiste à repenser la place de l’entreprise dans la société en redéfinissant leur raison d’être. La loi propose ainsi de modifier le code civil et le code de commerce afin de « renforcer la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie et l’activité des entreprises ». Le texte de loi s’inspire pour cela des propositions du rapport « Entreprise, objet d’intérêt collectif », remis le 9 mars 2018, par Nicole Notat et Jean-Dominique Sénart aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances, et du travail. L’ouvrage propose d’analyser ainsi les enjeux de ce changement non seulement en droit des sociétés, mais également au regard du droit social.
L’approche retenue est pluridisciplinaire et transversale.

À la prochaine…

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Nouveau billet sur Contact : la fonderie Horne en question

Bonjour à toutes et à tous, je viens de publier mon dernier billet de Contact intitulé : « Fonderie Horne et arsenic : une insoutenable légèreté » (partie 1 et partie 2). J’y aborde la question de la RSE.

Extrait :

L’actualité en matière de responsabilité sociale (RSE) vient de s’enrichir d’une nouvelle diffusée récemment par Radio-Canada : le niveau de pollution par contaminants d’une entreprise de Rouyn-Noranda et toléré par le ministre de l’Environnement. « Québec permet à la Fonderie Horne d’émettre 67 fois plus d’arsenic dans l’air que la norme provinciale » (Radio-Canada, 13 mai 2019), voilà une information qui n’est passée inaperçue ! Amené à me prononcer dans le cadre de l’émission de télévision RDI Économie animée par M. Gérald Fillion (ici), je partage avec vous quelques réflexions sur cette actualité (en plus de faire le point avec du recul), réflexions qui sont celles d’un professeur de droit travaillant dans le domaine de la RSE… et, surtout, celle d’un citoyen et d’un père qui se veut critique sur une situation qui lui apparaît insoutenable.

Plusieurs solutions sont envisageables pour répondre au niveau de pollution occasionné par les activités de la fonderie Horne. Le coût social de la pollution (qui, à terme, va reposer sur la province et ses contribuables) et les inquiétudes multiples de la situation appellent une réponse et un signal fort envoyé à la communauté et aux entreprises. J’ai entendu que fermer l’usine serait une option. Elle ne me semble pas crédible. Elle vient opposer frontalement la logique environnementale à la logique économique, alors qu’il convient de les faire travailler ensemble. La fermeture aurait des conséquences dévastatrices sur le plan économique, il ne faut pas s’en cacher. De même, des mesures punitives ne me semblent guère crédibles, le ministère étant le principal responsable du niveau de pollution atteint (et non l’entreprise qui ne fait qu’utiliser une tolérance – en étant d’ailleurs en-dessous du seuil maximum –). Comme évoqué par certains dans les journaux, la mise en place d’une zone tampon serait une avenue (et le respect de mesures sanitaires de base), même si cette option est contraignante pour les citoyens concernés, demeure à court terme et ne règle pas le problème de fond : le niveau de rejet des contaminants dans l’air. Aussi, il apparaît impératif de rehausser la norme demandée à l’entrepise Horne, tout en mettant en place des incitatifs pour la soutenir dans la recherche d’une solution environnementale.

Ne pas oublier la responsabilité de l’État

Que penser d’un éventuel recours judiciaire exercé non contre l’entreprise (qui reste dans la tolérance octroyée et ne franchit pas la ligne de l’illégalité) mais contre l’État ? Si la fonderie Horne suit bien le protocole (qui serait même en avance sur l’échéancier fixé avec le ministère de l’Environnement) suivant ce qu’avance le ministre Benoît Charette, la question est entière de savoir si les chiffres négociées et visés dans le protocle étaient adéquats. Que penser de la décision prise en 2011 par le ministère de l’Environnement ? Ne caractérise-t-elle pas une faute, une irrationnalité, une déraisonnabilité ou une insouciance grave commise par l’État ? Ces mots ne sont pas pris au hasard, ils ont des conséquences juridiques.

Contrairement à une croyance répandue, l’État québécois ne bénéficie pas d’une irresponsabilité. La maxime « the King can do no wrong » a vécu. La Cour suprême a clairement rappelé cette idée en 2011 : « Il importe que les organismes publics soient responsables en général de leur négligence compte tenu du grand rôle qu’ils jouent dans tous les aspects de la vie en société. Soustraire les gouvernements à toute responsabilité pour leurs actes entraînerait des conséquences inacceptables ». L’État québécois a tout d’abord une responsabilité extracontractuelle directe. Avec l’adoption en 1994 du Code civil du Québec (et l’article 1376), a été ajouté une nouvelle dimension à l’assujettissement de l’État au droit commun de la responsabilité civile. Le droit québécois assimile purement et simplement le gouvernement à une personne physique majeure et capable pour tout recours dirigé contre lui. Mais, l’État québécois peut également répondre de la faute de son préposé en vertu des articles 1463 et s. du Code civil du Québec. Avec cet article, le législateur cherche à écarter la possibilité pour l’État de se défendre en arguant que son préposé aurait agi en dehors de l’exercice de ses fonctions et que, pour ce motif, l’État n’aurait pas à répondre de sa faute.

Toutefois, la chose est subtile. En effet, le niveau de responsabilité de l’État québécois dépend de la nature de la décision prise. Il convient de distinguer entre les décisions relevant du « politique » et celles relevant de « l’opérationnel ». La nature de la faute exigée de l’État change. Si l’acte politique échappe la plupart du temps à la sanction des tribunaux et conduit à une immunité (sauf mauvaise foi, irrationalité ou insouciance grave), l’acte de gestion peut donner lieu à une action en responsabilité si l’acte en question a été accompli fautivement (une faute simple) et que cette faute a causé un dommage. Pour savoir à quelle catégorie appartient l’acte, il est « (…) illusoire de vouloir établir un critère absolu qui donnerait rapidement et infailliblement une réponse à l’égard de toute décision parmi la gamme infinie de celles que peuvent prendre les acteurs gouvernementaux ». L’appréciation se fait de manière contextuelle en tenant compte des caractéristiques des pouvoirs que la loi confère, ainsi que des devoirs qu’elle impose à l’officier public chargé de l’appliquer.

Quelle que soit la nature de l’acte en cause (qui m’apparaît toutefois relever davantage de l’opérationnel quoique…), on constate que l’on est proche d’une mise en cause possible de la responsabilité de l’État québécois dans ce dossier. Au regard des conséquences graves de l’arsenic sur la santé et du niveau de contaminants admis (et aussi de la légèreté à aborder ce problème de pollution), même les hypothèses exceptionnelles de faute mettant au rancart l’immunité – dans le cas des décisions politiques – semblent vérifiées. Que l’État se méfie, l’actualité démontre que la société civile dans toute sa diversité de courants, d’organisations et de mouvement d’opinion n’hésite plus à mettre les États et les villes devant les tribunaux en matière de changement climatique. La justice climatique prend corps !

La Loi sur la qualité de l’environnement et son chapitre III sur le droit à la qualité de l’environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes méritent également d’être évoqués. Les mots utilisés dans la loi sont forts de sens : « Toute personne a droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent ». Les articles 19.1 et s. permettent l’exercice d’un recours en injonction devant la Cour supérieur pour empêcher l’acte. Cependant, il a été observé que ces articles sont difficiles à invoquer en pratique. De plus, le ministère de l’Environnement a autorisé la fonderie Horne à déroger à la loi.

À la prochaine…

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Nos étudiants publient. Jérémy Gabin parle beauté et élections au CA avec Renneboog, Geiler et Zhao

Le mot du Professeur Tchotourian.

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par M. Jérémy Gabin. À cette occasion, Jérémy fait une lecture critique de l’article de Renneboog, Geiler et Zhao intitulé « Beauty and Appearance in Corporate Director Elections » (European Corporate Governance Institute (ECGI) – Finance Working Paper Series, No. 537/2017). Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.).


Beauté et apparences dans les élections au CA (par Renneboog, Geiler et Zhao)

Si le sujet peut prêter à sourire, l’étude « Beauty and Appearance in Corporate Director Elections » réalisée par Philipp Geiler, Luc Renneboog et Yang Zhao (European Corporate Governance Institute (ECGI) – Finance Working Paper Series, No. 537/2017), apporte de nombreuses pistes de réflexion, révélant autant l’influence de composantes superficielles telles que la beauté dans les élections des administrateurs, que les traits des différents profils d’actionnaires. Le postulat de cette recherche est simple :

« Notre hypothèse de base est que la beauté faciale ne jouerait pas de rôle [dans les élections] parce que les actionnaires qui [(ré-)élisent] les administrateurs peuvent s’appuyer sur des informations concernant leur éducation et leur expérience, ainsi que sur la performance passée de la société, tout ceci étant présenté dans le rapport annuel disponible avant les (ré-)élections ».

Cadre

Cette étude empirique, présentée comme la première en son genre, se base sur un échantillon de 621 élections et réélections survenues au Royaume-Uni entre 1996 et 2007.  Pour chaque administrateur, la photographie fournie dans le rapport annuel a été collectée et soumise à un échantillon d’utilisateurs certifiés du Turc-mécanique d’Amazon[1]. Pour chacune de ces photographies, les répondants ont dû évaluer ce que représentait la personne à leurs yeux, selon 5 critères définis par les analystes : beauté, compétence, capital confiance, sympathie inspirée, et intelligence. Chacun de ces critères, évalués sur une échelle de 1 à 5, propose un profil général de l’individu. Ce résultat est alors mis en relation avec le « dissent vote » de chaque candidat, c’est-à-dire, la somme des votes exprimés contre l’élection et les abstentions. Leur analyse porte sur plusieurs points dans le but d’analyser l’influence de la beauté dans différentes circonstances :

  • Beauté (attractivité) ou compétences ?;
  • Élection d’un homme ou d’une femme;
  • Élection d’un membre exécutif ou d’un membre non exécutif;
  • Élection ou réélection du membre;
  • Composition de l’actionnariat.

Résultats

« Nous trouvons que les administrateurs avec une meilleure apparence (mieux notés), s’en sortent mieux dans les élections des administrateurs, [ainsi] une augmentation de note d’apparence d’un point est associée à une réduction du vote négatif d’environ 6,5% ». Alors, aussi étonnant que cela puisse paraître, la beauté générale influe sur les élections des administrateurs.

Toutefois, il faut noter que la beauté physique, c’est-à-dire l’attractivité pure, n’a aucune influence sur le vote des actionnaires. Ceux-ci se basent essentiellement sur les traits de personnalité qui se dégagent des photographies et notamment le capital. Mais ce qui est d’autant plus intéressant c’est la manière dont l’influence de la beauté varie selon les caractéristiques de l’élection et de l’actionnariat.

Typologie des actionnaires

L’un des paramètres révélateurs est celui de la composition de l’actionnariat. Autrement dit, l’influence de l’apparence dans des sociétés présentant plus ou moins d’investisseurs institutionnels. Les chercheurs remarquent ici que l’apparence est plus déterminante dans les (ré-)élections des sociétés ayant peu d’investisseurs institutionnels. Ainsi l’on pourrait avancer que les « petits porteur » sont moins enclin à effectuer des recherches sur les compétences et les diplômes des administrateurs et se base davantage sur les traits de caractère dégagés par la photographie contenue dans la convocation. Contrairement aux investisseurs institutionnels qui disposent de moyens et de temps pour analyser ces données — car les enjeux ne sont pas les mêmes.

Personnalité des candidats

La beauté n’influe pas en pratique sur l’élection des femmes au conseil d’administration. Une des raisons évoquées à cet égard est que la place des femmes à ce niveau de la direction est un enjeu en lui-même, mais trop peu de candidatures parviennent. Dans certains pays, comme la France, la composition des conseils de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché est soumise au respect de quotas/ratios[2]. En cas de non-respect des niveaux imposés (40 % en l’occurrence), cela peut même entrainer une suspension du versement de la rémunération.

Paramètres de l’élection

Simultanément, les résultats montrent que l’élection des « executive directors » est plus influencée par l’apparence que celle des administrateurs n’ayant pas de responsabilité (« non-executive directors »). Cette disparité provient probablement du souhait des actionnaires que leur entreprise soit bien représentée dans les relations publiques, avec notamment des administrateurs charismatiques. Par ailleurs, on observe que l’influence de la beauté diffère selon qu’il s’agisse d’une élection ou d’une réélection d’un membre.  L’apparence importe plus dans les cas de réélection, les chercheurs avancent ici que lors des premières élections les actionnaires sont plus favorables à suivre l’avis du comité de nomination. Mais cela pourrait aussi s’expliquer qu’il est plus opportun d’analyser dans sa globalité un candidat lors de sa première élection, que lors de sa réélection qui sera davantage influencée par les résultats passés de l’entreprise.

Parallèle politique

Un parallèle intéressant est celui que l’on peut faire avec le monde politique, où le rôle de la beauté dans les élections est bien plus documenté. Une étude finlandaise de 2010[3], utilisant le même modèle d’analyse, démontre que pour une augmentation d’un point du ratio de beauté les votes pour les parlementaires finlandais peuvent augmenter de 20 %, et de 17 % pour les élections municipales.

Jérémy Gabin

Ancien étudiant du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Amazon Mechanical Turc : plate-forme de crowdsourcing faisant appel à un large panel d’individus pour répondre à certaines questions, ou réaliser des micro-tâches. Dans le cadre de cette enquête seuls les utilisateurs « certifiés » par la plate-forme étaient habilités à répondre : gage de qualité et l’un des nombreux « robustness-test » mis en place.

[2] Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, transposée aux articles L. 225-17 et s. du Code de commerce.

[3] N. Berggren, H. Jordahl et M. Poutvaara (chercheur ayant fourni les questionnaires de cette étude), « The Looks of a Winner: Beauty and Electoral Success », Journal of Public Economics, 2010, vol. 94, no 1-2, p. 8.

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Nos étudiants publient. Ambyr Ladani lit Stephen Bainbridge : Capital-actions à classe multiple, pas un accident de l’histoire !

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mme Ambyr Ladani. À cette occasion, Ambyr fait une lecture critique de l’article de Stephen M. Bainbridge intitulé « Understanding Dual Class Stock Part I: An Historical Perspective » (ProfessorBainbridge.com, 6 septembre 2017) Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

L’avènement de la structure de capital de classe double ne date pas d’aujourd’hui et n’est en rien une anomalie historique : tel est le propos de Stephen M. Bainbridge (professeur émérite de droit à la faculté de droit de l’UCLA et spécialiste de la gouvernance d’entreprise) dans son article « Understanding Dual Class Stock Part I: An Historical Perspective ». Selon lui, l’hystérie provoquée par les évènements récents aux États-Unis tels que l’introduction en bourse des actions sans droit de vote de Snap inc. en 2017 n’a pas lieu d’être. A travers une perspective historique, l’auteur démontre que le système « une action – un vote » n’a pas toujours été la norme.

Tout commence au milieu des années 1800

Avant le milieu des années 1800, la plupart des chartes d’entreprises recommandaient un système limitant les droits de vote des grands actionnaires ou imposant un nombre maximal de voix auquel tout actionnaire avait droit. Mais, ce système était sérieusement contesté par la facilité avec laquelle les grands actionnaires arrivaient à contourner les règles de votes en transférant une partie de leurs actions à des tierces personnes qui votaient à leur place.

Une tendance qui s’inverse

Après 1819, la tendance à restreindre les droits de vote s’est progressivement inversée instaurant la norme « une action = un vote »[1] qui sera finalement adoptée en 1852 avec la première loi de l’incorporation générale du Maryland. Cette norme sera appliquée jusqu’en 1900 par la majorité des sociétés américaines comme règle par défaut avec la liberté de la modifier. L’auteur attire notre attention sur le fait qu’à l’époque, les actions privilégiées (ainsi que celles ordinaires) conféraient généralement des droits de vote égaux contrairement à ce qui se fait de nos jours. Selon lui, l’instauration de la norme « une action = un vote » s’explique par plusieurs facteurs : l’influence des grands actionnaires (directement intéressés) au sein des sociétés souvent à l’origine des réformes, le désir d’encourager les investissements de capitaux à grandes échelles, mais aussi et surtout la disparition de préjugés à l’égard des entreprises. Cette nouvelle norme n’était pas sans inconvénients, notamment pour les détenteurs d’actions privilégiées dont les droits de vote s’étaient vus substantiellement limités.

Une tendance inversée qui s’inverse

Par la suite, une nouvelle tendance s’était installée au début du XXe siècle avec l’adoption progressive des structures de gouvernance à deux classes avec l’émergence des actions ordinaires sans droit de vote. L’auteur en veut pour preuve que le nombre croissant de sociétés qui, après 1918, ont émis deux catégories d’actions ordinaires : l’une avec le droit de vote complet sur une base d’un vote par action (généralement destinée aux membres) et l’autre sans aucun droit de vote compensé avec des droits de dividendes plus élevés (généralement destinés au public). Ce type de configuration permettait une importante entrée de fonds sans toutefois soustraire le contrôle de la société à ses fondateurs. Malgré l’intérêt grandissant et surprenant des investisseurs à acquérir des actions sans droits de vote, cette configuration inégale des droits de vote a été fortement contestée dans les années 20 (notamment par le professeur d’économie politique William Z. Ripley). Le New York Stock Exchange (NYSE) s’est alors engagé à abolir cette pratique. Cependant, le projet ne se concrétisera qu’en 1940 avec l’annonce officielle d’une règle uniforme interdisant l’inscription des actions sans droit de vote. Mais, cette interdiction (ainsi que l’opposition menée par Ripley) n’a pas empêché certains géants tels que Ford et Hershey de conserver leur structure de capital à deux classes jusqu’à nos jours. Entre 1988 et 2007, 7 % des entreprises cotées sont restées des entreprises à deux classes affirme Stephen M. Bainbridge.

Et au Canada et au Québec ?

Dès 1945, la famille Molson, à l’origine de la plus vieille brasserie du Canada, a eu recours aux actions subalternes pour faciliter le financement de la société Molson, et ce, tout en conservant son contrôle et son pouvoir décisionnel[2]. Au Canada et au Québec, la structure de capital de classe multiple est aussi très controversée. Les critiques essuyées entre autres par Bombardier et Couche-tard pour la double catégorisation de leurs actions et surtout leurs modèles d’actions multi-votantes en sont la preuve. Toutefois, ces deux entreprises ne sont pas des cas isolés. De plus en plus de fondateurs optent pour un capital-actions à classe multiple, afin de garder le contrôle de leur entreprise. Quelques décisions de justice ont d’ailleurs été rendue en faveur de fondateurs d’entreprise à structure de capital double, telles que dans l’affaire Magna international[3]. Dès la fin du XIXe siècle, les dispositions législatives canadiennes et québécoises sur les sociétés par actions créées par lettres patentes ont exprimé une présomption d’égalité entre les actions du capital-actions. D’abord admise par les décisions des tribunaux britanniques, cette présomption a été acceptée par les tribunaux canadiens. La légalité d’accorder un traitement différent aux actionnaires par le biais de l’émission d’actions privilégiées a été admise au fédéral en 1934 et en 1964 au Québec. Les lois en matière de droit des sociétés (à l’échelle tant canadienne que québécoise) sont dans le même sens. Elles prévoient expressément la possibilité d’avoir des actions privilégiées ou subalternes[4] et de mettre fin à l’égalité entre actionnaires en créant des catégories d’actions auxquelles sont rattachés des droits, des privilèges et des restrictions énoncés dans les statuts[5]. Aussi, ce sont les statuts qui définissent le type d’actions en fonction des droits, des privilèges ou des restrictions attachés aux actions (les catégories). L’article 48 al. 1 LSAQ donne une grande latitude en énonçant ce principe au travers d’une formule souple : « sauf disposition contraire des statuts ». De plus, les alinéas 1 et 2 de l’article 48 LSAQ prévoient des présomptions qui ont pour but d’assurer la conformité des statuts à la LSAQ[6]. En 2013, 77 entreprises canadiennes avec une structure de capital de classe double dont Rogers communication et Teck ressources étaient inscrites à la bourse de Toronto[7].

Une mode assumée !

Malgré les divers débats menés au sujet de la démocratie actionnariale au sein des sociétés, les fondateurs d’entreprises aux États-Unis et au Canada n’hésitent plus à opter pour une structure de capital à double classe.

Ambyr Ladani

Ancienne étudiante du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] J. S. Davis, Essays in the Earlier History of American Corporations, 1912, à la p. 324 tel que cité dans S. M. Bainbridge, « Understanding Dual Class Stock Part I: An Historical Perspective ».

[2] S. Ben-Ishai et P. Puri, « Dual Class Shares in Canada: An Historical Analysis », (2006) 29 Dalhousie L.J. 117, aux p. 122 et suiv.

[3] « Magna : la Cour supérieure de l’Ontario rejette l’appel des actionnaires », Lesaffaires.com, 31 août 2010.

[4] Articles 5 5o et 44 LSAQ; et 6, al. 1 c) (i) et 24 (4) a) LCSA.

[5] Article 44 al. 2 LSAQ.

[6] R. Crête et S. Rousseau, Droit des sociétés par actions, Montréal, Les éditions Thémis, 2018, aux p. 242 et s., par. 527 et s.

[7] E. Desrosiers, « Gouvernance : Pas si bête, les actions à votes multiples », ledevoir.com, 16 octobre 2013.

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Nos étudiants publient. Amir Ouchar et Guy N’Toya Mputu commentent Michel Albouy : Faut-il vraiment changer le statut de l’entreprise ?

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par MM. Amir Ouchar et Guy N’Toya Mputu. À cette occasion, Amir et Guy font une lecture critique de l’article de Michel Albouy intitulé « Faut-il vraiment changer le statut de l’entreprise ? » (The Conversation, 30 janvier 2018). Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

« Faut-il vraiment changer le statut de l’entreprise ? »[1] est l’article de Michel Albouy rédigé dans une période particulière de l’histoire de l’entreprise française. M. Albouy livre une critique de la réforme du statut de l’entreprise française proposée par le gouvernement Macron au début de l’année en cours. En effet, l’objectif de cette réforme est d’adapter le cadre normatif de l’entreprise française aux enjeux actuels[2] et « [d’]évoluer le droit pour permettre aux entreprises qui le souhaitent de formaliser voire amplifier leur contribution à l’intérêt général »[3]. Ainsi, l’objet social de l’entreprise ne se résume plus aux seuls intérêts des actionnaires et à leurs profits. Celui-ci va bien au-delà en prenant en compte les questionnements liés à la responsabilité sociétale des entreprises, aux intérêts des salariés et autres parties prenantes (clients, fournisseurs, pouvoir du public, ONG…). En bref, l’objet social serait orienté vers la prise en compte d’un certain intérêt général[4].

Le rapport Pierre Sudreau de 1975 proposait en son temps « […] d’instituer une représentation du personnel au niveau des groupes et holding »[5]. Ceci en vue de réduire le pouvoir des actionnaires dans l’entreprise en faveur des salariés et des autres parties prenantes. Pour lui, cette réduction du pouvoir des actionnaires se ferait par l’intégration au CA d’un représentant des salariés.

Toutefois attention ! Pour Michel Albouy, il y a « anguille sous roche », puisque la démarche réformatrice du gouvernement Macron ne répond pas aux réalités sous-jacentes à l’entreprise française.

La critique sur la proposition de réforme : entre gouvernance partenariale et gouvernance actionnariale

La gouvernance partenariale est un mode de gouvernance de l’entreprise dans lequel l’on fait participer les salariés à la gestion de cette dernière. Elle tire ses origines « […] de la théorie des parties prenantes [définie comme] un individu ou un groupe d’individus qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels (de l’entreprise) »[6]. La maximisation des profits des actionnaires n’est plus alors le seul centre d’intérêt de l’entreprise. Cet intérêt va bien au-delà en intégrant des intérêts de celles et ceux qui, telle une cheville ouvrière, la font vivre au quotidien[7]. Le salarié n’est plus cet employé « traditionnel » qui subit les diktats des décisions des dirigeants de l’entreprise. Dorénavant, le salarié fait partie du CA ou, du moins, s’y fait représenter.

Cependant, Michel Albouy n’est pas de cet avis et trouve dangereux qu’un tel mode de gouvernance soit la raison qui justifie la réforme du statut de l’entreprise française. « [N]on seulement les managers devraient répondre à des attentes contraires mais surtout les parties ne seraient plus incitées à contrôler la gestion de l’entreprise du mieux possible »[8].

La gouvernance éclairée : la « 2.0 »

Modèle actionnarial ou partenarial ? Une solution a été proposé par les anglais. Celle-ci est contenue dans un rapport sur la réforme de l’entreprise britannique intitulé Corporate Governance Reform: The Government Response to the Green Paper Consultation[9]. Ce rapport renferme l’idée (selon les mots de Michel Albouy) de laisser l’entreprise entre les mains des actionnaires[10]… lesquels continuent à choisir les dirigeants et espérer plus qu’un retour sur leurs investissements. La responsabilité d’agir de bonne foi au nom et pour le compte des actionnaires incombe alors au CA qui doit tenir compte des intérêts des autres parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs…) lors de la prise des décisions stratégiques qui touchent le cœur même de l’entreprise. En cas de non-respect de leurs obligations, les administrateurs se verront exposer à des recours exercés par les actionnaires[11].

Cette solution éviterait au CA des entreprises françaises une sorte de « tour Babel »[12] et un abysse cacophonique dans lequel le maître mot serait un cycle de discussions interminables au service d’intérêts égoïstes. Ce postulat justifie-t-il pour autant la réforme du statut de l’entreprise proposée en France ? Par ailleurs, comment se départir de cette image de l’entreprise perçue, à la fois, comme un « contrat » passé entre les actionnaires et comme une institution poursuivant un « intérêt général »[13] au bénéfice de toutes les parties prenantes.

Avouons-le, le mode de gestion partenariale à la française n’a encore pas été expérimenté, qui sait si elle ne présage pas un avenir reluisant à l’entreprise française !

MM. Amir Ouchar et Guy N’Toya Mputu

Anciens étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Michel ALBOUY, « Faut-il vraiment changer le statut de l’entreprise ? », The Conversation, 30 janvier 2018.

[2] Elise BARTHET, « Le gouvernement lance le chantier de l’entreprise », Le monde, 6 janvier 2018.

[3] Elise BARTHET, « Le gouvernement lance le chantier de l’entreprise », Le monde, 6 janvier 2018.

[4] Elise BARTHET, « Le gouvernement lance le chantier de l’entreprise », Le monde, 6 janvier 2018.

[5] Michel ALBOUY, « Faut-il vraiment changer le statut de l’entreprise ? », The Conversation, 30 janvier 2018.

[6] Eric PERSAIS, « RSE et gouvernance partenariale », Gestion 2000, 2013, Vol. 30, p. 69-86.

[7] Eric PERSAIS, « RSE et gouvernance partenariale », Gestion 2000, 2013, Vol. 30, p. 69-86.

[8] Michel ALBOUY, « Faut-il vraiment changer le statut de l’entreprise ? », The Conversation, 30 janvier 2018.

[9] Ivan TCHOTOURIAN, « Réforme de la gouvernance en Angleterre : une inspiration ? », 11 septembre 2017, Les blogues Contact.

[10] Isabelle CORBISIER, La société : contrat ou institution ? – Droits étasunien, français, belge, néerlandais, allemand et luxembourgeois, Bruxelles, Larcier, 2011, à la p. 59.

[11] Rachel C. TATE,Section 172 CA 2006: the ticket to stakeholder value or simply tokenism?

[12] Michel ALBOUY, « Faut-il vraiment changer le statut de l’entreprise ? », The Conversation, 30 janvier 2018.

[13] Isabelle CORBISIER, La société : contrat ou institution ? – Droits étasunien, français, belge, néerlandais, allemand et luxembourgeois, Bruxelles, Larcier, 2011, à la p. 9.

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Nos étudiants publient. Mélissa Guillo et Gaëtan Yjjou résument Lisa Rodriguez : Golden Share, bon pour l’État actionnaire ?

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mme Mélissa Guillo et M. Gaëtan Yjjou. À cette occasion, nos étudiants discutent de l’article de Mme Lisa Rodriguez dans la revue banque.fr sur la stratégie de l’État actionnaire et l’impact des golden shares. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

En décembre 2017, Mme Lisa Rodriguez (étudiante à l’ESCP Europe) publie dans la revue banque.fr un article qui analyse de manière économique la stratégie de l’État actionnaire et l’impact des golden shares sur le portefeuille d’actions de l’État tout en donnant une certaine interprétation aux données chiffrées. Cet article est d’autant plus d’actualité que le 10 décembre 2018, l’Assemblée nationale française a adopté la loi dite « Pacte » qui étend l’application des golden share aux cessions privées et l’adapte à la jurisprudence européenne.[1]

La naissance de l’État actionnaire français

La notion d’État actionnaire est assez récente et date des années 2000… et montre un changement de paradigme de l’État. Historiquement, il était question d’État tuteur possédant des entreprises publiques et fournissant peu de rapports sur leur gestion[2]. Progressivement, l’État s’est modernisé pour s’adapter à la mondialisation, à la pression de la Cour de justice Européenne et à l’essor de la concurrence. L’État actionnaire est aujourd’hui « né » et il dispose d’un mécanisme de gouvernance spécifique pour asseoir ses prérogatives : l’action golden share.

Qu’est-ce qu’une action golden shares ?

« Une action Golden shares signifie littéralement “participation en or”. Le mécanisme consiste à attribuer à l’Etat des prérogatives exorbitantes telles que s’opposer à la prise de contrôle d’investisseurs étrangers, à certaines décisions stratégiques, à la nomination de membre du conseil d’administration ou encore la possibilité d’avoir un droit de véto »[3]. Ainsi, l’État – tout en demeurant un actionnaire minoritaire dans une entreprise – peut bloquer la volonté des actionnaires majoritaires.

Cet outil demeure strictement encadré par les autorités de l’Union européenne, limité à certains secteurs stratégiques, dont la création est justifiée par l’intérêt général et proportionné à l’objectif recherché[4]. Longtemps négligé, ce mécanisme revient dans l’actualité notamment avec l’augmentation croissante des participations de l’État dans les entreprises cotées et la baisse de rentabilité des portefeuilles de l’État. Dans son article, Mme Rodriguez se pose une question simple : quel est l’impact des golden shares sur la gestion de portefeuille de l’État actionnaire ?

Une réponse au déclin de la rentabilité des portefeuilles de l’État

Il est nécessaire pour un investisseur d’avoir un portefeuille d’action rentable. Or, l’État français (avec son portefeuille valorisé à 90 milliards d’euros) ne déroge pas à cette règle. « La rentabilité économique et financière du portefeuille d’action diminue autant que l’endettement augmente ». Ce constat édifiant reflète la mauvaise gouvernance par l’État de son portefeuille. Rentabilité et endettement prennent en compte l’aptitude d’une entreprise à générer des bénéfices. Or, en 2015 (et pour la première fois !), ils se sont révélés négatifs… d’autant plus que l’endettement de l’État a augmenté de 64 % entre 2006 et 2016. La capacité de l’État français à rembourser ses dettes s’est vue fortement affectée. Ces chiffres confortent la nécessité pour l’État de changer sa stratégie.

Dans son article, Mme Rodriguez explore deux hypothèses :

  • Hypothèse 1 : mise en place des goldens share dans les entreprises déjà privés comme par exemple l’entreprise Airbus.
  • Hypothèse 2 : privatisation des entreprises.

Dans les deux cas le prix des cessions d’actions est réinvesti.

Dans l’hypothèse de l’utilisation d’une action golden share, on constate une amélioration partielle de la performance financière. En terme de profitabilité, les golden shares ont un effet bénéfique, mais leur utilisation entraine une certaine dégradation du rendement et de la rentabilité. Les goldens share n’ont pas d’impact sur la performance boursière. Les résultats de Mme Rodriguez démontre une amélioration manifeste de la performance stratégique. En revanche, l’État reçoit moins de dividendes avec la constitution de golden share. Effectivement ils diminuent avec la cession de part dans des entreprises qui fournissent beaucoup de dividendes dans le secteur de la défense.

Au-delà des golden share

L’article de Mme Rodriguez peut être critiqué par le fait que l’État dispose de plus de 1700 participations, un nombre qui devrait augmenter à l’avenir. Il est donc difficile pour l’État de maîtriser l’information et de contrôler les entreprises. De plus, l’État doit faire attention à ne pas se comporter en spéculateur pour conserver une bonne réputation.

Mélissa Guillo et Gaëtan Yjjou

Anciens étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] ASSEMBLE NATIONALE, Projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises.

[2] André DELION « De l’État tuteur à l’État actionnaire », Revue française d’administration publique, 2007, p. 11.

[3] CHALLENGES, Lexique économique, V. Golden share.

[4] Pascal BINE, François PIQUET et Julien BRACQ, « La protection des secteurs stratégiques ou sensibles par l’État français, Fusion et acquisition », Fusoins & Acquisitions, 29 juin 2017.

Nouvelles diverses Publications travaux des étudiants

Nos étudiants publient. Audrey Houle résume Justin Fox : Pourquoi les CA américains ne comportent pas de salariés ?

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mme Audrey Houle. À cette occasion, Audrey fait une lecture critique de l’article de Justin Fox intitulé « Why U.S. Corporate Boards Don’t Include Workers » (Bloomberg, 21 août 2018). Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

Quelle est la place des salariés sur les CA américains ? En voilà une belle question de gouvernance d’entreprise ! La question a refait surface en août dernier alors que la sénatrice américaine Elizabeth Warren proposait que les entreprises ayant plus d’un milliard de chiffre d’affaires permettent aux employés d’élire 40 % des membres du CA[1]. Le but est de s’éloigner du courant de pensée de la maximisation des avoirs des actionnaires à court terme au détriment des salariés et des objectifs à long terme pour un partage plus élargi des bénéfices[2].

Une question brûlante partout

Le sujet faisait d’ailleurs déjà écho de l’autre côté de l’Atlantique. Theresa May a fait de la représentation des salariés sur les CA anglais une de ses promesses électorales en 2016 alors que le président français Emmanuel Macron envisage actuellement renforcer la présence des salariés dans les conseils d’administration suite à l’échec de la réforme du marché du travail[3]. De son côté, l’Allemagne prévoit une place aux employés sur les CA avec son système dualiste de surveillance adopté dans le Code allemand du Gouvernement d’entreprise en 1976[4]. Les salariés allemands siègent donc sur le conseil de surveillance et ont le pouvoir d’élire une partie des membres du CA[5].

Et aux États-Unis ?

Cette pratique n’a pas toujours été étrangère aux entreprises américaines. Au début des années 1900, les États-Unis avaient des entités qui ressemblaient beaucoup au comité d’entreprise allemand comme des « plans de représentation des employés » ou des « syndicats d’entreprise »[6]. En 1898, la Filene Corporation Association a été une des organisations d’employés pionnière du secteur industriel donnant une voix aux travailleurs leur permettant de gérer leur régime d’assurance santé. L’entreprise Colorado Fuel and Iron Company emboita le pas en 1915 en mettant au point un système de représentation des employés élus suite au « massacre de ludlow » qui fut l’un des conflits entre les salariés et le patronat les plus sanglants de l’histoire des États-Unis[7].

Une raison avant tout politique

Une des raisons qui peut expliquer la dérive de la gouvernance d’entreprises vers le modèle capitaliste que l’on connaît aujourd’hui se trouve dans l’histoire économique et politique américaine. La Grande Dépression des années 30 transformant les profits des entreprises en pertes a remis en question les pratiques de gouvernance d’entreprise priorisant la santé économique des entreprises[8]. Afin d’assurer une certaine protection aux salariés durant cette période difficile, le gouvernement de Franklin D. Roosevelt adopta la National Industrial Recovery Act en 1933 qui a été en vain déclaré inconstitutionnelle par la Cour Suprême quelques années plus tard[9]. Ce n’est qu’en 1937 que la National Labour Relation Act (aujourd’hui connue sous le nom de la National Labour Relation Board) a remplacé l’ancien régime de protection des salariés[10].

Une protection ailleurs

Le droit du travail américain protège les salariés et bon nombre d’entreprises offrent de nos jours des conditions de travail exemplaires, mais c’est en constatant les perversions de la gouvernance d’entreprise comme ce fut le cas dans l’affaire Enron au début des années 2000 que l’idée d’une représentation des salariés au sein des CA émerge. Aujourd’hui, la rareté des syndicats américains (à peine 6.5 % en 2017) rend l’absence de représentation des salariés encore plus critiquable[11].

Performance… et alors !

La littérature évoque que la représentation des salariés au sein des CA peut favoriser la relation entre les deux parties[12]. Toutefois, il n’existe en théorie aucune corrélation entre la performance financière d’une entreprise et la présence de salariés sur le CA[13]. Le modèle de l’Allemagne étant souvent étudié (et valorisé !) n’est pas sans faille. Le récent scandale de Volkswagen démontre que la présence des salariés ne garantit pas nécessairement de bonnes pratiques. Il y a une évidence derrière tout cela : il n’existe aucun modèle parfait de gouvernance d’entreprise. Toutefois, s’éloigner du modèle doctrinal prôné par Milton Friedman[14] (place prépondérante des propriétaires-actionnaires et concentration sur la responsabilité des entreprises de générer des profits) vers des objectifs plus collectifs incluant les différentes parties prenantes favorise le dialogue social et pourrait permettre d’éviter certains scandales. Au Québec, la récente faillite de l’entreprise Sears emportant avec elle les fonds de pensions des salariés alors que, quelques années plus tôt, les actionnaires recevaient des dividendes importants nous rappelle que les québécois bénéficieraient également d’une amélioration du modèle de gouvernance d’entreprise incluant la participation des salariés[15].

Audrey Houle

Ancienne étudiante du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Andrea GARNERO, « What We Do and Don’t Know About Worker Representation on Boards », Harvard Business Review, 6 septembre 2018.

[2] Benjamin SWASEY, « Warren Bill Would Have a Big Corporations’s Employees Elect Nearly Half of Board Membres », Wbur, 15 août 2018 ; Rafaella SADUN, « Worker Representation on Board Won’t Work Without Trust », Harvard Business Review, 17 août 2018.

[3] Andrea GARNERO, « What We Do and Don’t Know About Worker Representation on Boards », Harvard Business Review, 6 septembre 2018.

[4] Justin Fox, « Why U.S. Corporate Boards Don’t Include Workers », Bloomberg, 21 août 2018.

[5] Andrea GARNERO, « What We Do and Don’t Know About Worker Representation on Boards », Harvard Business Review, 6 septembre 2018 ; Rafaella SADUN, « Worker Representation on Board Won’t Work Without Trust », Harvard Business Review, 17 août 2018.

[6] Justin Fox, « Why U.S. Corporate Boards Don’t Include Workers », Bloomberg, 21 août 2018.

[7] Justin Fox, « Why U.S. Corporate Boards Don’t Include Workers », Bloomberg, 21 août 2018.

[8] Justin Fox, « Why U.S. Corporate Boards Don’t Include Workers », Bloomberg, 21 août 2018.

[9] A.L.A. Schechter Poultry Corp. v. United States, 295 US 495.

[10] NATIONAL LABOUR RELATION ACT, Our History.

[11] Justin Fox, « Why U.S. Corporate Boards Don’t Include Workers », Bloomberg, 21 août 2018.

[12] Andrea GARNERO, « What We Do and Don’t Know About Worker Representation on Boards », Harvard Business Review, 6 septembre 2018.

[13] Andrea GARNERO, « What We Do and Don’t Know About Worker Representation on Boards », Harvard Business Review, 6 septembre 2018.

[14] Milton FRIEDMAN, « The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits », The New York Times, 13 septembre 1970.

[15] Sophia HARRIS, « Les retraités de Sears s’attaquent aux milliards versés aux actionnaires », Radio-Canada, 13 février 2018.