Normes d’encadrement | Page 72

Normes d'encadrement responsabilisation à l'échelle internationale

Responsabilité sociétale des entreprises au sein de l’Union européenne : une loi française méconnue

Bonjour à toutes et à tous, voici un texte passé relativement inaperçu mais qui mérite d’être signalé ! A été adoptée par l’Assemblée nationale française le 25 juin 2015 une « petite » loi (texte no 545) relative à la responsabilité sociétale des entreprises au sein de l’Union européenne. Le contenu est intéressant (4 points le caractérise) puisqu’il y est noté :

1. Estime nécessaire que la responsabilité sociétale des entreprises soit inscrite en tant que telle dans le droit européen sous une forme contraignante et présente, notamment, les caractéristiques suivantes :

1° S’appliquer à l’ensemble des entreprises ayant leur siège social dans un État membre de l’Union européenne, quel que soit leur secteur d’activité, en fixant, le cas échéant, un seuil afin d’en dispenser les plus petites entreprises mais en y incluant les sociétés mères et les holdings ;

2° Inclure des obligations précises en matière de devoir de vigilance des entreprises vis-à-vis de leurs relations d’affaires, de leurs filiales, de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs à même de prévenir effectivement l’ensemble des risques humains, sociaux et environnementaux auxquels les employés, les populations locales ainsi que l’environnement pourraient être exposés en raison de leurs activités directes ou indirectes ;

3° Assortir ces obligations de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, voire, le cas échéant, proportionnelles aux dommages humains, sociaux et environnementaux causés par leur non-respect ;

2. Demande à la Commission européenne de présenter dans les meilleurs délais une proposition législative ambitieuse, répondant aux caractéristiques susmentionnées et demande au Conseil de l’Union européenne ainsi qu’au Parlement européen de l’adopter en l’amendant si nécessaire dans un sens favorable à la prise en compte des droits humains, sociaux et environnementaux dans l’activité des entreprises ;

3. Préconise une démarche commune des parlements nationaux les plus volontaires pour soutenir collectivement cette demande auprès de la Commission européenne ;

4. Appelle l’Union européenne et les États membres à soutenir toute initiative allant dans le sens d’un renforcement de la responsabilité sociétale des entreprises en droit international, en particulier la résolution n° 26/9 du 26 juin 2014 du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies visant à l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme.

J’en profite pour souligner les considrants suivants (considérants qui envoient toujours des messages politiques forts) :

  1. Un considérant définissant la responsabilité sociétale : Considérant que la responsabilité sociétale des entreprises vise à concilier, dans la perspective du développement durable et en conformité avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la croissance économique, la compétitivité des entreprises et le respect des droits humains, sociaux et environnementaux, ainsi qu’à protéger les données personnelles et lutter contre la fraude et la corruption
  2. Un considérant revenant sur les quelques mesures contraignantes en matière de RSE existant à l’échelon européen : Considérant que le droit de l’Union européenne lui-même, bien que prenant en compte une certaine forme de la responsabilité sociétale des entreprises, ne lui donne qu’une portée limitée ; que les seules mesures contraignantes sont actuellement, d’une part, des obligations de reporting extra-financier, et, d’autre part, des obligations applicables à certains secteurs (diamants bruts, bois, minerais et construction) et à certaines entreprises (les importateurs et les donneurs d’ordres) afin de s’assurer de l’origine des produits et, dans le seul cas des donneurs d’ordres, du respect de certains droits des travailleurs détachés

Accéder au texte de loi (ici) et au dossier législatif (ici).

À a prochaine…

Ivan Tchotourian

Gouvernance Normes d'encadrement place des salariés

Adoption de la loi Rebsamen en France : en route vers plus de formation et de présence des salariés au CA

Le Projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi n° 2739 (déposé le 22 avril 2015 devant l’Assemblée nationale) – dite loi « Rebsamen » – a été adoptée le 23 juillet 2015. Ce projet est donc devenu loi ! Quelless sont les conséquences en termes de gouvernance d’entreprise ?

  • Les salariés administrateurs disposeront, à leur demande, d’une formation adaptée à l’exercice de leur mandat, à la charge de la société. C’est un décret en Conseil d’État qui devra préciser le régime. Le temps de formation dont bénéficient les salariés administrateurs ne pourra être inférieur à vingt heures par an (article 10 du texte adopté ici).
  • Depuis le printemps 2014 et la mise en œuvre de la loi sur la sécurisation de l’emploi, les grandes entreprises sont censées intégrer dans leur conseil d’administration les salariés. Un siège dans les conseils comptant jusqu’à douze membres, deux au-delà. Le nombre d’administrateurs salariés passe dorénavant à deux quel que soit la taille du conseil. De plus, la loi fait disparaître la référence au comité d’entreprise. Par ailleurs, les seuils en termes de salariés (au total ou en France) ont été abaissés (article 11 du texte adopté ici). Pour le cas des holdings, la loi se montre néanmoins moins offensive : « Sauf lorsqu’elle est soumise à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322-1 du code du travail, une société dont l’activité principale est d’acquérir et de gérer des filiales et des participations peut ne pas mettre en œuvre l’obligation prévue au premier alinéa du présent I (voir ci-dessous) si elle détient une ou plusieurs filiales remplissant les conditions et appliquant l’obligation prévues au même alinéa. »

I. – Le I des articles L. 225-27-1 et L. 225-79-2 du même code est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 225-27-1 est ainsi modifié :

a)  Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

a) Les mots : « cinq mille » sont remplacés par le mot : « mille » ;

b) Les mots : « dix mille » sont remplacés par les mots : « cinq mille » ;

c) Les mots : « et qui ont pour obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322-1 du code du travail, » sont supprimés ;


Pour en savoir plus sur cette loi, accéder au texte législatif ici.

Pour lire un résumé dans le journal Le Monde.fr, cliquer ici.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

autres publications Gouvernance Normes d'encadrement

Des actionnaires puissants ? Publication d’un Research Handbook

Enfin le voici publié ! Il avait été annoncé il y a peu : « Research Handbook on Shareholder Power (Research Handbooks in Corporate Law and Governance)«  (Elgar). Pour celles et ceux qui ne peuvent attendre (comme moi !), voici la table des matières : ici.

Much of the history of corporate law has concerned itself not with shareholder power, but rather with its absence. Yet, as this Handbook shows, there have been major shifts in capital market structure that require a reassessment of the role and power of shareholders. This book provides a contemporary analysis of shareholder power and considers the regulatory consequences of changing ownership patterns around the world. Leading international scholars in corporate law, governance and financial economics address these central issues from a range of different perspectives including historical, contemporary, legal, economic, political and comparative.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Normes d'encadrement

Faisons le point sur la RSE en Suisse

Petite synthèse des évolutions intervenues en Suisse en matère de responsabilité sociétale (vous trouverez plus de détails dans la nouvelle brochure « Responsabilité sociale des entreprises : le point de vue des entreprises » que je détaille dans ce billet ici).

Les développements politiques en matière de RSE peuvent être attribués aux initiatives suivantes :

1. Mise en oeuvre de « nouvelles » directives internationales en matière de RSE en Suisse : Les plus importantes sont les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (« principes Ruggie ») ainsi que les lignes directrices actualisées de l’OCDE, tous deux adoptés à l’échelle internationale en 2011. En réponse au postulat du conseiller national Alec von Graffenried (12.3503), le Conseil fédéral s’est déjà déclaré disposé à élaborer une stratégie de mise en oeuvre des Principes directeurs de l’ONU par la Suisse. Le partenariat entre la Confédération et le réseau suisse du Pacte mondial des Nations Unies (cf. le point 3.1) joue un rôle important dans ce contexte. Les travaux de mise en oeuvre des lignes directrices de l’OCDE sont déjà achevés dans notre pays. Diverses adaptations ont été effectuées, notamment en ce qui concerne la création d’un Point de contact national.

2. Projets de l’administration fédérale : Le Conseil fédéral a adopté un document de position « Responsabilité sociétale des entreprises », incluant un plan d’action, élaboré sous la direction du SECO. Cette stratégie globale doit servir de référence tant pour les activités de la Confédération que pour celles des acteurs privés. Le Conseil fédéral a par ailleurs engagé des travaux spécifiquement liés au secteur des matières premières, afin de relever les défis de cette branche de manière proactive. Le rapport de base « matières premières » comprenant 17 recommandations (concernant par ex. le reporting, la coopération multilatérale ou, encore, la promotion d’une bonne gouvernance, par exemple) a été publié à la fin mars 2013. L’objectif est de rendre compte régulièrement de l’avancement de la mise en oeuvre de ces recommandations.

3. Activités des ONG : Certaines ONG en Suisse sont d’avis que les standards et lignes directrices en vigueur ne sont pas suffisants. Elles réclament de nouvelles dispositions légales allant plus loin. Une coalition de 50 organisations a lancé la campagne « Droit sans frontières » dans ce but et a récemment lancé une initiative populaire « pour des multinationales responsables ».

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Normes d'encadrement rémunération

Rémunération indue : la SEC consulte sur des standards

Et voilà, la SEC continue son travail de mise en application du Dodd Frank Act concernant la rémunération des adirigeants et des administrateurs. Le 1er juillet 2015, elle a publié un document de consultation intitulé « Listing Standards for Recovery of Erroneously Awarded Compensation » (ici).

We are proposing a new rule and rule and form amendments to implement the provisions of Section 954 of the Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act of 2010, which added Section 10D to the Securities Exchange Act of 1934. Section 10D requires the Commission to adopt rules directing the national securities exchanges and national securities associations to prohibit the listing of any security of an issuer that is not in compliance with Section 10D’s requirements for disclosure of the issuer’s policy on incentive-based compensation and recovery of incentive-based compensation that is received in excess of what would have been received under an accounting restatement. The proposed rule and rule amendments would direct the national securities exchanges and national securities associations to establish listing standards that would require each issuer to develop and implement a policy providing for the recovery, under certain circumstances, of incentive-based compensation based on financial information required to be reported under the securities laws that is received by current or former executive officers, and require the disclosure of the policy. A listed issuer would be required to file the policy as an exhibit to its annual report.

Envie de vous prononcer ? Vous avez jusqu’au 14 septembre 2015…

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Gouvernance Normes d'encadrement responsabilisation à l'échelle internationale

Dossier spécial à la RLDA : le devoir de vigilance fait la manchette

Mon collègue Yann Queinnec (directeur général d’Affectio Mutandi) vient de diriger un numéro spécial à la RLDA (revue Lamy de droit des affaires) consacré au devoir de vigilance des entreprises multinationales… devoir de vigilance auquel réfléchi le gouvernement français.

Ce dossier spécial de la revue est intitulé « Le Big Bang des devoirs de vigilance ESG : les nouveaux enjeux de RSE et de droits de l’homme » et date de mai 2015 (ici). Le sommaire de ce dossier est le suivant :

  • INTRODUCTION par Pierre-Samuel GUEDJ et Yann QUEINNEC
  • DEVOIR DE VIGILANCE – LES ORGANES DE GOUVERNANCE DES ENTREPRISES EN PREMIÈRE LIGNE par Yann QUEINNEC et Alexis CONSTANTIN
  • LE DEVOIR DE VIGILANCE POUR LES ENTREPRISES MULTINATIONALES, UN IMPÉRATIF JURIDIQUE POUR UNE ÉCONOMIE DURABLE par Sandra COSSART et Marie-Laure GUISLAIN
  • LES MESURES DE VIGILANCE DU SECTEUR EXTRACTIF par Stéphane BRABANT et Nicolas HEURZEAU
  • CONTRAT ET DEVOIR DE VIGILANCE par Mustapha MEKKI
  • DEVOIR DE VIGILANCE, LE CONSOMMATEUR AUSSI par Yann QUEINNEC et Marie-Pierre BLIN-FRANCHOMME

Bonne lecture et à la prochaine…

Ivan Tchotourian

Normes d'encadrement Structures juridiques

Benefit Corporation : une voie pour le Canada ?

La blogueuse Diane Bérard revient dans un de ses derniers articles de blogue sur les Benefit Corporation et l’intérêt de les introduire au Canada et au Québec (ici).

Mais le Delaware est aussi reconnu parce qu’il fait partie des 30 États qui autorisent les benefit corporations, c’est-à-dire les entreprises dont le but n’est pas uniquement la maximisation du profit pour les actionnaires. Et c’est pourquoi j’en parle aujourd’hui. À partir du mois prochain (août 2015), le Delaware se montrera plus facilitant pour les « benefit corporations »… Je vous laisse découvrir la suite !

Voilà un beau sujet que celui des fameuses Benefit Corporation ! Mais, n’oublions pas que ces structures sociétaires ne sont pas toutes seules à offrir une avenue différente au droit des sociétés et à l’économie dans son ensemble. Il faudrait ajouter bien d’autres nouvelles sociétés qui ont vu le jour depuis peu : la Flexible Purpose Corporation de Californie et la Community Contribution Company de Colombie-Britannique un peu plus au Nord (voir pour une synthèse, cet excellent travail de mes étudiants à la maîtrise : ici)…

Malgré tous les bénéfices attachés aux Benefit Corporation – que j’évoque dans l’ouvrage rédigé avec Me Jean-Christophe Bernier (ici) consacré à la prudence et à la diligence des administrateurs -, il ne faut pas oublier que celles-ci comportent leur zone d’ombre. Parmi ces zones d’ombre, citons :

  1. Les parties prenantes peuvent-elles exercer un recours judiciaires, elles qui sont pourtant les premières concernées par l’introduction de la Benefit Corporation ? Pas si sûr ! Excepté la situation où il est possible d’habiliter une personne à poursuivre une partie prenante, les parties prenantes d’une Benefit Corporation ne semblent pas avoir un intérêt suffisant pour mettre en jeu la responsabilité des administrateurs concernant leurs prises de décisions relativement à la poursuite ses objectifs de bénéfices publics ou spécifiques.
  2. En dépit des propos de certains selon lesquels la Benefit Corporation protégerait les administrateurs de toute responsabilité dès lors qu’ils prennent en compte d’autres intérêts que ceux des actionnaires, les administrateurs sont-ils véritablement protégés contre un recours judiciaire des actionnaires prétextant une violation de leurs devoirs ?
  3. La règle de l’appréciation commerciale ne risque-t-elle pas de jouer à l’encontre des objectifs mêmes de la Benefit Corporation ?

À la prochaine,

Ivan Tchotourian